Ce billet est une réflexion sur le métier de marketeur à l’ère numérique, mais surtout à l’ère chaotique dans laquelle nous vivons. Depuis plus de trois mois, nous vivons dans le nouvel axe planétaire créé par la pandémie et rien n’indique que cette nouvelle réalité soit en voie de se résorber définitivement. Ne serait-ce que la gestion de ses effets collatéraux sur notre économie et notre société en général qui nous pollueront l’existence pour des années à venir, la pandémie aura fait des ravages incommensurables.
Dans cette foulée, les marketeurs de la planète rivalisent d’imagination pour exploiter ce climat de peur et de confusion créé par la Covid-19 en créant de nouvelles offres, variant entre nouveaux produits et services ou simplement une offre revue et corrigée. Après tout, n’est-ce pas le nouveau terme à la mode : rebondir après la crise? Qui peut les blâmer lorsque la plupart des entreprises ont vu leurs ventes baissées drastiquement ou même arrêtées subitement. Ma réflexion dans ce billet touche les marketeurs de bas étage qui confondent rebondir avec bondir, tels des chacals sur une clientèle affamée par des semaines de consumérisme anémique.
Accorder le verbe vendre avec respect
Depuis le début de mes études en marketing, j’ai toujours été fascinée par le comportement du consommateur. D’ailleurs, le marketing a une forte corrélation avec la sociologie. Et comprendre la société, c’est assurément miser plus spécifiquement sur ses tendances et les effets de levier qui peuvent améliorer les taux de conversion de ses différents groupes démographiques.
Par exemple, chaque fois qu’une tendance pointe à l’horizon, le vocabulaire de séduction change, les offres s’adaptent, de nouveaux produits et services peuvent aussi naître, même les logos peuvent subir une cure d’adaptation sociologique. Actuellement, nous vivons les tendances antiracistes, la lutte à l’homophobie, le débat des environnementalistes, l’achat local avec le locavorisme sans oublier l’égalité des femmes qui demeure une bataille d’actualité.
Pensons aux produits de Aunt Jemima et Uncle Ben’s qui changeront de visage sous peu pour appuyer le mouvement qui souhaite enrayer le racisme systémique suite à la mort tragique et inexcusable de George Floyd. Des marques quasi centenaires qui doivent suivre l’air du temps.
Aucun marketeur ne commettrait l’imper de ne pas respecter ses différentes clientèles. Pourtant, c’est un fait quotidien pour trop d’entreprises. Que les messages soient léchés autant que possible, il arrive parfois que ne rien dire soit aussi destructeur que de dire la mauvaise chose. Le simple visage d’une femme noire ou d’un homme noir se voulant à une époque un compliment sur les talents de cuisinier ancestraux des esclaves du sud devient aujourd’hui une insulte. Ces mêmes visages aux yeux d’aujourd’hui abhorrent ce qu’ils ont toujours été au fond : un message raciste. Le marketing est une affaire de visibilité et le respect en est une de sobriété et de discrétion. Faire du marketing dans ce millénaire, c’est être en phase avec son époque. Pour que le respect soit crédible, il doit être ressenti. C’est aussi le message de la Présence, comprendre ce qu’on doit faire, ne pas faire, dire, ne pas dire… Les clients sont informés, souvent très mal, mais voilà le rôle d’un marketing « Présent » dire les vraies choses, les bonnes choses et de la bonne manière.
Faire du marketing, c’est être de son temps… mais vraiment!
Quoique je respecte et comprenne les motivations des compagnies qui agissent ainsi (refaire leur image motivée par une tendance), je trouve parfois que la ligne est mince entre respect et opportunisme. Depuis la nuit des temps, le marketing a été longtemps traité comme du marketing de masse. J’en parle dans mon livre, et je trouve que la série Mad Men évoque bien ce passé peu éloquent du marketing de masse et de manipulation dont l’héritage nuit encore à la réputation des marketeurs. Le cynisme à l’égard du marketing est justement cette motivation qui m’a amené à faire du marketing de sens que j’appelle la Présence.
Avec le numérique, nous sommes devenus des micromarketeurs qui doivent faire autant de stratégies marketing qu’il y a de « personas », « avatar » ou clientèles cibles à séduire. Nous sommes bien loin du « one size, fits all », nous sommes à l’ère du marketing sur mesure celui de l’hyperpersonnalisation et l’idéal serait sans doute, une stratégie par personne cible. Peut-être un jour tout ça sera possible, en attendant, le marketing de permission est ce qui s’en rapproche le plus. Il faut donc que toutes vos clientèles se reconnaissent dans vos actions marketing dans ce que vous dites, mais surtout ce que vous ne dites pas. Il ne faut donc pas s’étonner de l’usage des prénoms dans les communications, les photos exprimant la diversité des minorités visibles et de l’efficacité du « remarketing » avec ses offres qui semblent tombées à pic; ex. je magasine un voyage en Italie et soudain je vois que des publicités sur les voyages en Italie.
Encore ici, la modération a meilleur goût, tout le monde a compris que ce n’est pas un hasard. Pire encore, récemment je faisais une promenade avec une amie et j’avais une discussion sur la possibilité de repeindre la maison. Le iPhone dans ma poche n’a jamais été utilisé. Lorsque je l’ai ouvert, une publicité dans mon Facebook annonçait un service qui offre justement de repeindre les maisons rapidement et de manière peu dispendieuse. Un hasard vous croyez? Moi, j’ai été bouche bée en constatant que mon téléphone m’écoutait réellement (on le sait, mais le vivre c’est autre chose), car cela ne peut pas être un hasard. Je n’avais jamais fait de recherches sur ce service. Bref! Les marketeurs avisés n’iront pas dans cette direction, c’est trop invasif. Ça donne la chair de poule. Si ça n’a pas de sens, ce n’est pas de la Présence, c’est du harcèlement.
Le marketing doit être cohérent à l’interne comme l’externe.
Il faut surtout que les bottines aillent dans le même sens que vos babines. Vous n’êtes pas raciste ou homophobe? Prouvez-le! Il ne suffit pas de commanditer un événement qui soutient la cause, mais que votre entreprise embauche aussi des personnes de ces communautés. Votre image marketing doit être inclusive. Vous dites être écologique et fabriquer ou vendre des services et produits locaux? Soyez assurés que vos clients vont vérifier tout, du moins les plus zélés. Il suffit d’un message erroné pour devenir la cible sur les médias sociaux. L’écoblanchiment et l’exagération de vos prétentions sont l’apanage d’une époque révolue.
Vos actions sont surveillées à chaque instant. Vous le savez, je le sais, nous le savons tous, et pourtant chaque jour des entreprises se mettent les pieds dans les plats. Pourquoi? Parce qu’au préalable, il n’y a pas de politiques claires à l’interne, facile à comprendre par tous. Le vocabulaire est souvent trop pauvre pour être utilisé adéquatement par ceux qui en ont la responsabilité dans l’écosystème social. Bévues souvent causées par un problème de traduction, de compréhension culturelle et d’une supervision tout aussi inadéquate. Ne confiez pas vos communications à des incultes ou des personnes insensibles et de grâce validez la qualité de leur français écrit. Google Translate c’est bon pour traduire vite, mais surtout pas pour des communications d’entreprise dans le but d’épargner sur les traducteurs professionnels.
Faites du marketing axé sur la Présence
En rappel, je ne saurais trop insister de bien comprendre vos clientèles cibles et ne pas hésiter à faire des offres hyper ciblées. Lorsque j’évoque la nécessité de la Présence avec son grand « P », il s’agit ici de cohérence entre vos actions et vos paroles. Il s’agit ici de respect, d’adéquation de votre expérience client et votre expérience employé.
Notre coffre à outils n’a jamais été aussi complet pour bien servir nos clients, mais encore faut-il savoir à qui nous parlons et ce que nous voulons dire avec notre cœur. Les clients ne sont pas dupes, ils sont même plutôt cyniques à l’égard des entreprises spécialistes de la séduction qui agissent comme si nous étions tous lobotomisés. J’en ai pour cause des entreprises qui nous harcèlent littéralement pour nos vendre leurs produits; des messages courriel, textos, des appels qui n’en finissent plus. Et ils osent appeler cela du marketing. C’est le genre de méthode qui m’irrite totalement. Automatiser du marketing est encore plus insultant lorsque cette fréquence dépasse l’entendement et qu’à cela s’ajoute l’audace de ne pas répondre à nos requêtes de service.
Encore deux exemples la semaine dernière, une enseigne de chez nous qui va en faillite à cause de l’excuse prête à servir de la COVID (on s’imagine que les affaires ne roulaient pas rondement avant la crise) et une autre « start up » aussi de chez nous. Dans les deux cas, elles ne répondaient pas à une simple demande envoyée par courriel après avoir appelé pour être redirigé vers le courriel et pourtant elles continuaient de me bombarder de courriels de sollicitation. Sérieusement, c’est difficile ne pas être cynique envers les entreprises qui agissent ainsi. Je pourrais jurer que ces entreprises ont acheté un cours de marketing avec des spécialistes improvisés qui sont, sans l’ombre d’un doute, plus experts du harcèlement et qui osent vanter leur expertise en marketing numérique alors qu’ils n’ont jamais été marketeur de leur vie. Instaurer de la Présence, c’est d’abord répondre aux demandes des clients, c’est éviter le marketing automatisé abusif, c’est comprendre ses clients et les respecter! Faire du marketing numérique, ce n’est pas devenir spécialiste des entonnoirs de conversion ajustés au quart de tour, c’est encore et plus que jamais: comprendre ses clientèles cibles.
Traiter vos clients et vos prospects comme on traite un ami
En conclusion, je vous dirais que si vous faites du marketing de sens et axé sur la Présence, vous serez toujours heureux de parler avec vos amis de vos approches marketing. Vous n’aurez pas le goût de changer de sujet et de vous cacher derrière des excuses. Vous en parlerez ouvertement, vous chercherez à comprendre leurs points de vue, vous ferez preuve d’écoute active et vous serez fier de vos actions marketing. Si vous êtes le genre à éviter ce sujet, vous avez votre réponse.
Si vous agissez comme un sociologue qui tente de comprendre le monde dans lequel nous vivons, vous serez un meilleur marketeur. Et certains me diront que je n’invente rien ici, c’est juste du gros bon sens… justement, le message n’est pas vous alors! Avec la pandémie, de nombreux drames humains se vivent chaque jour, il est temps d’aiguiser votre sensibilité et non vos instincts de chacal.
Que les bons marketeurs se lèvent!
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