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J’ai fait un article la semaine dernière sur l’urgence de développer des chefs de la Présence. Je suis profondément convaincue que nous avons de grands changements à opérer dans notre société. Comme les entreprises sont des actrices clés qui font tourner l’économie, ou retourner, selon le cas, elles ont une grande influence sur la qualité, ou la détérioration, de nos conditions planétaires. Elles sont d’ailleurs qualifiées de « personnes morales » lorsque nous les créons. Notre système a donc permis de créer des entités à part entière ayant leur existence virtuelle bien réelle et leurs règles spécifiques. Monsieur, ou Madame, Inc est donc une personne morale au sens de la loi, un « citoyen corporatif » qui a énormément d’influence sur tout le système. Faut-il rappeler que M. ou Mme Inc n’a pas de cœur, pas d’âme et encore moins de légitimé au-delà des systèmes établis par l’homme? Leur appétit pour les profits en fait des acteurs de premier plan pour les iniquités sociales. Mais le mot « morale » dans sa définition de personne morale a un poids significatif quant à ses responsabilités sociales et les actions qu’elle a le devoir de prendre.
La philanthropie en temps réel : une question de valeurs
Je n’aurais pu souhaiter un meilleur exemple de savoir-être organisationnel lorsque que j’ai découvert cette semaine l’annonce de la création d’un nouveau cabinet de services juridiques fondé par deux êtres que nous pourrions croire venus d’une autre planète : Novalex . Pour résumer, ce cabinet travaillera selon le modèle 1 pour 1 et s’engage donc à verser une heure de service gratuit (don) pour chaque heure facturée à ses clients commerciaux. Franchement, je trouve cela audacieux et méritoire à la fois. Je ne pense pas que nous devions aller si loin pour renverser la vapeur du capitalisme, avec sa notion de prendre davantage que de redonner, mais le mérite derrière cette idée est aussi de souligner que ce sont deux jeunes de la génération G. (pour généreux). Le modèle économique sera-t-il viable? L’avenir parlera, mais ils ont tout mis en place pour assurer la transparence des demandes avec un CA dirigé par une tierce personne neutre. Disons que cela donne de grands espoirs sur la génération de leaders qui prennent la relève. Cela m’a permis de découvrir Toms Shoes qui pratique ce modèle de 1 pour 1, génial!
C’est de la philanthropie en temps réel, et non en différé. Une nouvelle génération d’entreprises dites sociales.
Avec cette nouvelle, et celle de la famille Zuckerberg qui a annoncé un fonds de 3 milliards pour enrayer les maladies chez les enfants à être déboursé sur 10 ans, j’avoue sourire un peu plus sur l’espoir que tout ça génère. La philanthropie en différé a toujours existé dans le but premier de bien gérer les gros excédents de profits avec une fiscalité intéressante et « morale ». Guy Laliberté avec « One Drop », la famille Chagnon avec sa fondation éponyme, Bill Gates, et compagnie ont bien compris le pouvoir de l’apparence de la magnanimité (le savoir-paraître) avec ces pactes sociaux gagnant/gagnant. En même temps, lorsqu’une fondation est plus riche (toutes proportions gardées) que les gouvernements sur le territoire où elle est mise sur pied, faut-il se réjouir? J’imagine que oui, mais il faut surtout se réjouir que leurs objectifs sociaux soient nobles. Un pouvoir de changer le monde après en avoir largement profité. C’est ici que le savoir-être organisationnel prend tout son sens.
Les terroristes de la Présence
Chacun de nous a vécu, ou vit encore, des frustrations avec son employeur quant aux choix qu’il fait parfois au nom de la sacro-sainte rentabilité pour satisfaire ses actionnaires que je surnomme gentiment et adéquatement les terroristes de la Présence. C’est tout à fait légitime de vouloir bien gérer les finances d’une entreprise, car une entreprise en difficultés financières ne sert les intérêts de personne. Combien de fois ai-je entendu dans le monde bancaire notamment, il faut se serrer les coudes, les résultats sont mauvais, il faut couper, faire une restructuration, bla-bla-bla ? Chaque fois, à titre de gestionnaire (et employée), je me sentais investie d’une mission noble que celle de faire monter le cours de l’action en bourse au grand plaisir des investisseurs. J’ai remercié plus d’une fois des employés qui peinaient à suivre le rythme des changements sous prétexte d’une restructuration, et voir dans leurs yeux la détresse des lendemains, m’a fait sentir à la fin complice d’une aberration totale. Comme si la Banque était en danger de faillite sans ladite restructuration. Elle préférait pelleter la responsabilité de ces travailleurs dans la société qui seraient chômeurs pendant trop longtemps. Pendant ce temps-là, les dirigeants encaissaient des bonis et des salaires indécents, serraient des mains devant les caméras pendant la remise de sommes faramineuses au nom de la charité, et dans les coulisses tous les employés survivants, soulagés d’avoir évité la guillotine, applaudissaient à leur survie. Ils étaient si reconnaissants qu’ils absorbaient le travail laissé par les employés remerciés avec le sourire de l’amertume. Ce n’est pas le président qui voyait les drames humains droit dans les yeux.
J’ai eu une discussion avec un membre de ma famille inquiet qui vit une situation horrible actuellement chez une grande chaîne américaine établie au Canada qui a échappé à la syndicalisation. La direction a annoncé que tous les postes de gérants étaient abolis et qu’ils devaient postuler à titre de nouveaux employés sur les postes remaniés aux conditions exécrables. À un point tel, que les employés, la majorité étant des femmes qui apportent un second revenu à la maison, devront quitter leur emploi parce qu’elles ne pourront pas travailler selon les nouveaux horaires incompatibles avec la vie familiale. Les garderies n’ouvrent pas avant 5 hres le matin, et travailler tous les soirs jusqu’à une heure du matin, c’est un sacrifice impossible avec des enfants. Je ne parle pas ici des week-ends et autres ajouts de tâches très physiques. Personnellement, j’appelle des gestes de cette nature des provocations et des invitations à démissionner. C’est un bris de pacte social avec les employés d’expérience qui font tourner cette chaîne depuis plus de 20 ans en moyenne et qui ont gagné de petits privilèges d’horaire à force de sacrifices (salaire moyen 14 $/ hre). Est-ce que le géant américain au Canada a besoin de donner un coup de pied dans le guêpier pour assurer sa rentabilité? Je prédis un boycottage si les gens se mobilisent. Mon point est simple : quel genre de savoir-être organisationnel cultive-t-on dans de pareilles entreprises amorales? Quels dirigeants déconnectés donnent de tels ordres et au nom de quelles priorités? Les clients sentiront sans doute le rebond de ces mauvaises expériences-employés. Notez ici que je ne suis pas une syndicaliste, mais je peux comprendre comment on en plante les graines sans le savoir-être organisationnel!
Comment faire pour améliorer le savoir-être organisationnel (la Présence)?
Si vous suivez ce blogue, vous connaissez l’importance que j’accorde à l’expérience-client et l’expérience-employé. Si vous souhaitez améliorer votre rentabilité, vous devez mettre vos priorités sur les humains, et aider les humains à « être » plus présents pour les activités que les machines ne pourront jamais faire. Sortir les tâches aliénantes de type robot du quotidien humain est certes une excellente idée, mais n’essayez pas de mettre des humains dans les robots. La Présence est le savoir-être de chaque humain, et le chef de la Présence est celui qui doit donner le bon exemple. Le conseil d’administration qui parle au nom de la « personne morale » qu’est l’entreprise a le devoir de bonne gouvernance, et cette gouvernance devrait être révisée pour que les humains soient priorisés. Avec tout l’argent accumulé dans les fondations, combien d’emplois auraient pu être épargnés? Combien d’employés auraient pu avoir de meilleurs salaires? Combien de clients auraient pu être mieux traités ou en mesure d’économiser pour réinvestir dans l’économie?
Il se dépense au-delà de 500 milliards de dollars en publicité pour nous convaincre de dépenser chaque année, et combien pour protéger la nature ou les humains? Nous formons les jeunes à savoir-faire, mais nous devons les former pour savoir-être. Tout commence là. Nous valorisons l’ambition (le savoir-paraître), c’est bien, mais pas un seul homme d’affaires (ou femmes d’affaires) ne peut réussir sans l’apport de ses collaborateurs. Valorisons la collaboration, l’équité, et la transparence pour changer le monde. Si vous prenez les risques comme entrepreneurs, bien sûr que vous pouvez en récolter la meilleure part. N’est-ce pas là le motif de départ initial? Mais si votre motivation devenait de faire la différence dans la vie de vos clients, de vos employés, qu’est-ce qui changerait au bout croyez-vous? Personne ne meurt avec son argent, l’argent est un excellent valet, mais un très mauvais maître. Cultiver le savoir-être organisationnel, c’est se préoccuper de ceux qui permettent à l’entreprise de croître et de prospérer au bénéfice de toute la société. Les entrepreneurs sociaux changent réellement le monde, et les entreprises cotées à la bourse le peuvent aussi, c’est une question de choix et de priorités. Les actionnaires sont devenus des touristes dans le système financier. Il y a quelques années, ils conservaient leurs titres pendant sept ans en moyenne, et maintenant, c’est à peine sept mois. Comment peuvent-ils dicter le futur d’une entreprise?
Le pouvoir de changer les choses : l’indice de Présence organisationnel
Pourquoi acceptons-nous de faire affaire avec des entreprises aux pratiques douteuses? Parce que la plupart du temps, on ne le sait pas. Chaque entreprise devrait avoir l’obligation d’un bilan social et de divulgation implicitement de ses mauvais coups sociaux, ex. mise à pied de x employés, x suicides, x dépressions, etc. Chaque mauvais coup a un coût que notre société porte sur ses épaules. Les entreprises qui ne savent pas « être » dignes de leur statut de personne « morale » devraient payer des taxes supplémentaires, comme la taxe sur le capital. Savoir-être est une notion de Présence à des valeurs humaines. Les actionnaires devraient pouvoir mesurer cet indice de Présence organisationnel* justement pour protéger leur investissement à long-terme. Si les clients et les employés avaient accès à la vérité au lieu de la mascarade, les choses seraient bien différentes. Gageons que la relève qui vient nous donnera des leçons de Présence et de savoir-être. Les entrepreneurs sociaux promettent des temps difficiles aux modèles établis, d’ailleurs écouter cette conférence sur la transparence salariale, cela porte à réfléchir. Je souhaite qu’un jour, l’indice de Présence organisationnel* soit le seul indicateur de performance d’une entreprise qui ait de la valeur.
Le sujet de la Présence vous interpelle? J’offre gratuitement une période de 30 minutes pour répondre à vos questions. Notre discussion sera encore plus efficace si vous avez lu le livre au préalable. Communiquez avec moi pour un appel. C’est ma façon à moi de changer les choses.
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4 commentaires sur « Savez-vous développer votre savoir-être organisationnel? »