L’art de poser des questions… les bonnes!

Apprendre à poser des questions est de toute évidence la nouvelle capacité « humaine » à développer. Mais poser les bonnes questions est l’enjeu!

Salut toi qui me lit et qui se demandait à quand le prochain article. Le voilà. J’y réfléchis depuis des semaines. Mon dernier article qui posait la question : quelle trace souhaites-tu laisser? m’a fait aussi réfléchir sur la gangrène de l’intelligence artificielle. Avant que tu sautes à la conclusion que je suis contre, laisse-moi tout de même le temps de positionner mon propos.

Depuis la sortie de ChatGPT, ma vie a changé. Ce que je constate, ce n’est pas que la mienne qui a changé. Si tu savais la quantité d’articles, de publications dans les médias sociaux, de webinaires, de vidéos, de groupes spécialisés sur la question spécifique de ce robot conversationnel et des outils d’intelligence artificielle que j’ai lus et que j’expérimente chaque jour. C’est juste démentiel à quel point la planète techno a sauté sur le débat, mais tente aussi de tirer avantage de ce nouveau Klondike en se posant comme des experts de l’IA.

Certains en vantent les mérites, d’autres décrient les potentielles ou réelles dérives et moi, comme certains, j’observe, j’essaie, je questionne et j’écris, comme cet article et d’autres passés et à venir. Force est d’admettre que je trouve de tout sur cette nouvelle réalité. J’ai même lu des articles sur les façons de devenir riche avec ChatGPT. WoW! Comme on dit : « On n’arrête pas le progrès! ».

Peu de nuances entre noir et blanc

Si j’investis autant de temps dans cette compréhension, c’est que je me sens à la croisée des chemins de ma carrière. Il y a 15 ans, lorsque j’ai créé mon entreprise en consultation marketing à l’ère numérique, j’étais exactement à la même place avec les nouvelles technologies, la nouvelle vie 2.0 et ses enjeux numériques pour les entreprises.

À force d’entendre des stupidités sur les relations clients à l’ère numérique, j’ai écrit un livre. Oui le livre « Le nouveau P du marketing : la Présence » était, et est toujours, l’objectif de mettre les technologies au service d’une meilleure expérience client et non l’inverse. Tout ça idéalement sans abrutir l’expérience employé ou pire, l’anéantir. D’ailleurs, j’ai écrit ce livre dix ans trop tôt. Il est plus d’actualité que jamais.

Ce livre m’a donc permis d’assoir ma valeur à titre d’experte et visionnaire pour entrer dans cette ère numérique avec la meilleure approche possible. Ce qui m’a permis d’offrir des formations, des conférences, de nourrir ce blogue et évidemment d’accompagner des dizaines d’entreprises au fil des ans dans leurs défis marketing.

À lire et relire la tonne de publications sur l’intelligence artificielle, disons que je constate qu’il y a exactement les mêmes comportements qu’il y a quinze ans et la conjoncture se ressemble à s’y méprendre.

Il y a ceux qui n’y croient pas et feront l’autruche pendant quelques années, le temps de voir si c’est une mode ou une religion. Comme le disaient certains clients à l’époque : moi, le web je ne crois pas à ça! Comme si c’était un acte de foi ou une religion. Le temps leur a donné tort. Et les plus audacieux ont pris les devants de la parade et ont récolté les meilleures places.

Dans l’autre spectre, il y a ceux qui encensent l’utilité et l’avenir de ces technologies invasives et abrutissantes, et qui tendent à diminuer ou annihiler les problèmes socio-économiques que l’intelligence artificielle soulève. Un déni tout à fait légitime si tu es parmi ceux qui en récolteront les principaux fruits et qui nourrissent les attentes. Comme à l’époque de l’ère Internet. Il faut toujours se poser la question : à qui profite le crime?

Ironiquement, puisque je consomme énormément de contenus sur le sujet, les algorithmes me nourrissent sans cesse de contenus. C’est la chambre de l’écho. Plus je lis, plus je reçois des suggestions similaires. J’avoue que c’est énorme. Je constate à quel point la communauté numérique anglophone produit des tonnes d’articles et de réflexions sur cette question. En français, c’est plutôt des traductions écourtées que je relis ou des opportunistes qui veulent que tout le monde comprenne comment travailler moins fort pour plus d’argent. Je ne nommerai personne ici, mais disons que ça frise la malhonnêteté intellectuelle.

Le sujet le plus « vendu » :

« Comment poser des questions à ChatGPT ». Les anglos disent « PROMPT ». En français « on ne prompte pas souvent dans ce sens de poser une question »

Savoir poser des questions à un robot

Bien avant le déferlement de publications payantes ou gratuites sur le sujet, il m’est apparu très clairement que le secret de la meilleure réponse, ou du moins ce qui s’en rapproche le plus, était dans l’art de poser la ou les bonne(s) question(s). Ça me fait sourire de voir des pseudo-experts de ChatGPT tenter de nous enseigner l’art de poser des questions à une intelligence artificielle. Surtout que la majorité de ces questions ont été produites par ChatGPT lui-même. Je pourrais en coller ici, mais inutile de vous prouver cette vérité. Pose la question à ChatGPT 😉.

Il suffit de se pratiquer un peu pour voir à quel point il est facile d’obtenir des réponses de tous acabits si les questions sont floues ou mal posées. D’ailleurs, ChatGPT débute chaque réponse par le texte de la question. Donc, tout est une question de… questions, de bonnes évidemment! Il a aussi une tendance à inventer des réponses sans fondement, mais ici, pardonnons-lui il est en apprentissage. Sous peu, il sera 1er de classe. Il a déjà réussi des examens de médecine, de droit, et quoi encore? La note de passage, mais quand même, c’est un foutu programme!!!

N’est-ce pas l’essentiel de la vie savoir poser les bonnes questions, se poser les bonnes questions? Les coachs de vie apprennent ça dans le chapitre 1 de leur formation. La communication active est basée aussi sur ce principe : si tu veux avoir les bonnes réponses, pose les bonnes questions!

Mais voilà aussi tout le dilemme. Celui qui pose les questions alimente la connaissance de l’intelligence artificielle. Nous avons raison de nous inquiéter lorsque ces outils se retrouvent dans les mauvaises mains. Même Microsoft a limité à 5 itérations sur le même sujet pour éviter la dérive. Surtout que les esprits machiavéliques sont réputés pour être intelligents et déjà plusieurs ont trouvé des moyens de faire sortir ChatGPT de sa zone balisée. Anecdotique? Peut-être, mais assez révélateur du fait que si des jeunes se fient à ces robots pour apprendre et décider du bon ou du mauvais, inquiétons-nous pour l’avenir.

D’ailleurs, les enfants sont naturellement le groupe qui sera le plus touché par ce phénomène. Chaque nouvelle génération s’adapte aux nouvelles technologies plus rapidement que la précédente. Il est donc raisonnable de penser que dans quelques années ou décennies, les enfants obtiendront des réponses à toutes leurs questions grâce à un chatbot IA installé dans leur téléphone.

Ce qui soulève la question de la théorie de l’adaptation de Darwin. À quoi ressembleront les humains lorsque les « intelligences artificielles » auront atrophié la pensée critique, la capacité de réflexion, la capacité de recherche, le talent de rédaction, la compréhension des calculs, l’intelligence de poser des hypothèses, même de vaincre le syndrome de la page blanche avec une créativité naturellement humaine.

L’humain prend toujours la voie la plus facile et je peux en témoigner. Avec ChatGPT ouvert, je teste chaque questionnement à lequel je suis confrontée quotidiennement pour voir ce qu’il en pense. Heureusement, je suis capable de voir si ses réponses ont du sens, de valider avec d’autres sources et de requestionner… un jour, ces réflexes n’existeront plus. Il faut se questionner maintenant sur la place de l’éducation et sur les métiers du futur.

La vraie couleur de l’intelligence artificielle

Personne n’est dupe. Nous savons tous que l’IA et particulièrement ChatGPT se nourrit de nos bases de données et des informations disponibles dans le cyberespace. Des milliards de données qui grandissent à une vitesse exponentielle. Les programmeurs ne font que donner des instructions précises pour créer des outils qui vont extraire les bonnes combinaisons de données et de codes. Ils y injectent au passage leurs propres biais, comme leur vision de la femme (voir en bas « Réflexions IA »).

Cette industrie est pleine expansion et comme chaque nouvelle vague technologique, les spéculations boursières vont chercher les « licornes ». Ces petites entreprises spécialisées en intelligence artificielle qui démontrent un fort potentiel sont dans la mire des investisseurs. J’ai écrit un article sur le « Québec à rabais pour les ressources IA » en 2019.

Curieusement, les législateurs et les instances qui devraient se préoccuper de la gouvernance n’accourent pas sur la place publique. Outre l’ONU qui a manifesté le besoin d’encadrement et l’Union européenne qui s’apprête à mettre en vigueur son projet de loi l’AI Act. Disons que les pays semblent médusés devant les enjeux que l’IA soulève, mais il y a tant de pots cassés à réparer.

L’expérience de l’avènement d’Internet nous a démontré que réagir trop tard est une recette 100% éprouvée pour tuer le tissu économique d’un pays en tuant des pans d’industries mal préparées. Pensons à tous les perdants dans la course à la domination Web et regardons les grands gagnants du GAFAM. Faut-il répéter les mêmes erreurs? Voilà une excellente question. Peut-on feindre l’innocence? En voilà une autre excellente question.

La grosse différence avec l’enjeu des IA est qu’à l’instar de la bombe nucléaire, se poser des questions avant risque d’être moins fatal qu’après.

Je pense que les bonnes idées ont toujours eu des appuis par la population. Régler les problèmes dans le monde serait déjà une belle avenue pour l’évolution de ces technologies. Il serait opportun de ne pas en ajouter, car à la quantité de problèmes que nous devons gérer, évitons de grâce de creuser notre propre malheur.

Or, la population se fait balloter au gré des algorithmes de l’ignorance depuis déjà trop longtemps. Nul ne nous avertit que notre cerveau est manipulé en cet instant précis par un foutu robot programmé pour vous rendre dépendant. Les exemples en ce sens sont nombreux.

Ça aura pris plus d’une décennie avant que les pays légifèrent sur la gestion des données personnelles et obligent les entreprises à nous demander la permission afin de protéger notre vie privée. Faudrait faire la même chose pour les algorithmes qui vous laissent croire n’importe quoi pour arriver aux fins de ses programmeurs. Il faudrait même un sceau d’IA éthique, à savoir que les standards de protection de la dignité humaine sont rencontrés par cet algorithme en action.

J’ai toujours dit que la pluie fait pousser aussi bien les tomates que la mauvaise herbe. C’est pourquoi je pense que l’IA a un avenir si nous en restons le maître total et sans compromis.

Pour terminer, je voulais vous partager une analogie colorée pour imager ce qui m’inquiète avec l’intelligence artificielle.

Voici le topo :

  1. Imagine que toutes les données de ChatGPT qui ont été extraites en 2021 soient de couleur bleue.
  2. Maintenant, imagine que toutes les données que nous repoussons dans le Web soient 100% de notre entière création et de couleur blanche.
  3. Donc chaque fois que nous faisons des recherches dans le Web, au fil du temps, les données de ChatGPT deviennent de plus en plus bleu pâle avec l’ajout du contenu 100% humain.
  4. Maintenant, imagine que tous les petits malins utilisent ChatGPT pour créer du contenu, en tout ou en partie. Ces nouvelles données seraient jaunes, disons.
  5. Combien de temps crois-tu que ça prendra pour que les données du Web deviennent bleu-vert, vertes, vert lime ou jaunes?

Tu vois l’idée ici est que si la machine se nourrit d’elle-même, au fil du temps, elle sera juste une version de moins en moins originale. Le contenu 100% humain et original deviendra de plus en plus marginal.

D’ailleurs, j’ai créé cette image avec une foule d’itérations dans mes instructions à playgroundai.com . Ironiquement, je lui demandais de mettre une main de robot et une main d’humain côte à côte. Chaque précision que j’ajoutais pour ajouter une main ou un humain, chaque fois c’était un robot que le « robot IA » ajoutait. Comme si humain = robot dans son programme. Inquiétant non?

Donc, oui, il faut apprendre à poser les bonnes questions pour avoir les bonnes réponses. Mais il faut surtout apprendre à les poser à temps, et je pense que nous avons une grande question qui presse : quelle place voulons-nous donner à l’intelligence artificielle avant qu’elle nous impose sa place?

Et cette croisée des chemins?

Tu croyais que j’avais oublié…oh que non! J’ai décidé que je ne saurais pas obsolète avant longtemps et que je deviendrais une gardienne des intérêts humains. J’ai toujours pris la position de prospectiviste sans même en être consciente au départ. C’est ma nature. Je n’ai jamais été contre les technologies, bien au contraire, j’en ai été une grande évangélisatrice. Mais ce qui vient devant n’est pas une évolution, c’est une révolution, voire une destruction si nous ne restons pas vigilants devant tous ces objets brillants qui nous laissent miroiter une vie de rêve. Jamais je ne serai dépendante de ces outils, même si les essayer c’est mettre la main dans l’engrenage. ChatGPT est toujours ouvert depuis le début de l’année et je le teste chaque jour. Il est facile de créer la dépendance… moins on réfléchit et moins nous en sommes capables.

Et à tous ceux qui se laissent berner, je dis ceci : priez pour que nous n’ayons jamais à manquer d’électricité ou de connexion Internet, car je crains que les handicapés de l’intelligence artificielle aient de la difficulté à survivre dans le monde bien réel. Restons humains et plus intelligents de grâce!

Voici ici, un petit résumé bien modeste des outils qui existent pour abrutir les cerveaux… ou pour aider « ceuzes » qui ont de la misère à réfléchir par eux-mêmes ou qui font le travail de quatre personnes à la fois. Clique sur le lien et n’y vois pas une liste exhaustive d’outils IA ou pire, un endossement. Ce sont des outils parfois gratuits, parfois non, pour exploration et se faire une idée de ce qui se passe concrètement.

Sylvie Bédard - Mind Drop

Réflexions IA (articles liés en anglais)

ChatGPT est partout. Voici d’où il vient

ChatGPT est devenu le service internet qui connaît la croissance la plus rapide, atteignant 100 millions d’utilisateurs en deux mois seulement après son lancement en décembre. Mais le grand succès d’OpenAI n’est pas sorti de nulle part. Will Douglas Heaven explique comment nous en sommes arrivés là. (MIT Technology Review)

Comment les algorithmes d’IA réduisent le corps des femmes à l’état d’objet

Une nouvelle enquête montre comment les outils d’IA évaluent les photos de femmes comme plus suggestives sexuellement que des images similaires d’hommes. C’est une histoire importante sur la façon dont les algorithmes d’IA reflètent le regard (souvent masculin) de leurs créateurs.  (The Guardian). Ici les photos dans ma page d’accueil de playground.ai alors que je n’ai rien demandé. Ce sont des photos suggérées les plus populaires sur playground.ai… ai-je besoin d’ajouter quelque chose?

Comment le projet de ville intelligente de Moscou est devenu une dystopie de surveillance par l’IA

Les villes du monde entier adoptent des technologies censées contribuer à la sécurité ou à la mobilité. Mais ce récit édifiant de Moscou montre à quel point il est facile de transformer ces technologies en outils de répression politique.  (Wired)

ChatGPT est un JPEG flou de l’internet

J’aime cette analogie. ChatGPT est essentiellement un instantané basse résolution de l’Internet, et c’est pourquoi il crache souvent des absurdités. (The New Yorker)

Une étude sur le danger des technologies sur les humains

Cette étude de l’université de Californie a examiné les effets possibles de la technologie numérique sur le sommeil, la capacité d’attention, l’intelligence émotionnelle et le développement cognitif. Dans tous ces domaines, l’utilisation intensive de la technologie pourrait causer de graves problèmes aux personnes concernées, et l’étude a également examiné la dépendance à la technologie en tant qu’effet résultant.

Bientôt le deuil sera chose du passé…

La fonction « Live Forever » de Somnium Space est simple, du moins en théorie. Remettez à l’entreprise de Sychov un tas de données personnelles et elle créera un « vous » numérisé qui vivra « pour toujours » dans le métavers sacré de la société. Vous pourriez mourir en sachant que vos enfants, petits-enfants et autres proches seraient en mesure de communiquer avec cette version interactive de vous, et ces proches, à leur tour, ne seraient jamais obligés d’accepter entièrement votre mort.

« Littéralement, si je meurs – et j’ai ces données collectées – les gens peuvent venir ou mes enfants, ils peuvent entrer, et ils peuvent avoir une conversation avec mon avatar, avec mes mouvements, avec ma voix », a déclaré Sychov à Motherboard dans une précédente interview en avril dernier. « Vous rencontrerez la personne. Et vous ne saurez peut-être pas, pendant les 10 premières minutes où vous parlerez à cette personne, qu’il s’agit en fait d’une IA. C’est l’objectif. » (Futurism)

3 commentaires sur « L’art de poser des questions… les bonnes! »

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