La roue de la valeur marketing ou si votre avantage compétitif résidait dans vos valeurs?

Comme promit dans mon dernier billet pour voir l’année 2022 en prospective, je reviens avec le volet des valeurs pour aborder le futur avec un nouvel angle. D’emblée, je précise que l’inspiration provient d’un article : What Value do you Create? Marketing’s 3 Types of Value et sans vouloir en faire une traduction exacte, j’aimerais traduire l’essentiel selon ma vision de la Présence et de mon expérience. En fait, ce que j’appelle du marketing de sens.

Nous vivons dans des temps chaotiques, et c’est peu dire. Pendant que je rédige cet article, Poutine joue avec la vie des Ukrainiens et des siens, et les nerfs des pays du monde entier. Après un chaos digne d’un film à Ottawa qui à peine résorbé, menace de revenir tel le phœnix qui renaît de ses cendres. Nul doute que la pandémie et cette nouvelle guerre vont continuer d’affecter sérieusement l’économie, les chaînes d’approvisionnement déjà mises à mal depuis deux ans, en plus d’ajouter au bilan des morts déjà trop élevées depuis le début de la pandémie.

D’ailleurs, lorsque je vois des humains compter les morts comme de simples statistiques boursières depuis mars 2020, s’obstinant à la moindre mesure sanitaire « liberticide » sur la méthode de calcul des décès liés à la Covid, je sais que le monde a perdu ses valeurs. Déjà avec cette guerre, le bilan des morts a commencé. Le monde a soif d’humanité, et l’occasion est belle pour en offrir à vos clients et vos employés ainsi que vos partenaires.

Si on changeait nos méthodes de calcul de rentabilité?

La bourse suit le cours des actions, cette mesure reconnue par la communauté financière comme la « valeur » d’une entreprise. Or, comme la majorité des entreprises ne sont pas cotées en bourse, leur valeur est calculée sur la ligne finale des états financiers : avoir net (actif – passif). J’ai passé 16 ans dans l’industrie bancaire à voir des prêts refusés parce que les actionnaires n’avaient rien à perdre, alors que l’argent des prêts coulait à flots pour les entreprises établies avec une bonne valeur aux livres. Normal, qui voudrait risquer son argent sur des entrepreneurs sans un sou à perdre, sauf leur temps?

Pourtant, les plus motivés à réussir sont ces mêmes entrepreneurs qui veulent rejoindre le rang des grands. Donc, plutôt que d’analyser le « rien à perdre » si on analysait le « tout à gagner » ne serait-ce que pour contrebalancer les forces économiques. Ou si nous commencions à accorder de l’importance à la valeur qu’une entreprise crée pour les communautés qu’elle dessert? Sans oublier des critères de gestion de risque, bien sûr, il serait temps de valider d’autres indices de mesures.

Dans mes conférences sur la Présence, je présente cette affirmation :

On accorde de l’importance qu’aux choses que l’on mesure…

Alors, il faut mesurer les choses qui ont de l’importance!

Cette affirmation est d’une profondeur incommensurable puisque cela implique d’abord de comprendre ce qui a de l’importance. Et à partir de ces éléments « importants », il faut les mesurer pour garder notre attention sur les choses importantes. Avec toute notre attention, les actions à prendre suivent donc une direction claire partagée par les employés et connue par nos clients et partenaires. Évidemment, le défi réside dans le changement de paradigme sur la définition d’importance pour qui. Mais les valeurs d’une entreprise sont bien au-delà de belles promesses sur un mur à l’accueil.

Un outil fort pertinent : la roue de la valeur marketing

J’aurais bien aimé l’inventer cette roue. Mais tout le crédit revient à David J. Carr qui a su illustrer les opportunités de créer de la valeur selon trois angles :

  1. Quelle est la VALEUR COMMERCIALE que je souhaite créer? 
  2. Quelle(s) VALEUR(s) CONSOMMATEUR je souhaite renforcer?
  3. Quelle(s) valeur(s) CULTURELLES je souhaite promettre à toutes mes parties prenantes?

Donc au centre, avec ces trois types de valeur comme principaux moteurs s’ajoutent dans les anneaux autour, les stratégies marketing et les tactiques de création et d’amplification de valeur. Désolée pour la version en anglais, mais ça demeure très facile à comprendre.

Cette roue a le mérite de démontrer clairement les priorités qu’une entreprise peut mettre de l’avant dans ses stratégies d’affaires ici traduites en actions marketing pour créer de la valeur aux yeux de ses clients, ses employés et dans sa communauté.

Revenons donc sur les priorités que les entreprises doivent mettre de l’avant. S’il est un fait indéniable, c’est bien que les entreprises doivent être rentables et générer des flux monétaires supérieurs en entrées qu’en sorties. Mais une fois que nous avons dit cela, pouvons-nous continuer à presser le citron sur les coûts et la machine de vente sans une boussole qui va guider nos actions pour des résultats à moyen et long terme? Particulièrement dans une économie inflationniste, en pénurie de ressources humaines et matérielles et en désavantage compétitif avec le GAFAM?

Clairement la réponse est non, à moins que vous sachiez quelque chose que j’ignore. Il faut recalibrer nos priorités, faire le sacrifice de l’obsession de la rentabilité financière à court terme et se demander de façon authentique : quelle est ma raison d’être? Quelle est la valeur que je souhaite créer à long terme? Ce que je veux concrètement offrir et ultimement partager avec toutes les parties prenantes de mon entreprise. Au fond, au-delà de mes poches, à qui et à quoi servent mes efforts quotidiens?

Facile de réussir lorsque tout le monde réussit

En période de prospérité économique, la réussite est plutôt facile. Les défis demeurent à géométrie variable pour les différents secteurs de l’économie et les entreprises qui les composent, mais dans l’ensemble, même les plus cancres peuvent aspirer à la rentabilité.

En temps difficiles, les enjeux sont très différents et incitent à de sérieuses remises en question. Le pouvoir d’achat des consommateurs fond comme neige au soleil et nous pourrions bien dire que le printemps sera russe ou rustre. Faut-il baisser les bras? Décider de trouver un acheteur pour notre entreprise? Faire une vente de feu? Faire une guerre de prix? Fermer tout simplement?

Voilà le temps des vrais leaders. En ces temps où libérer les entreprises avec l’holacratie est une tendance, où les séminaires de leaders « humains » ont la cote et que les ressources humaines n’ont jamais été aussi cruciales et rares à la fois, le management doit sortir des sentiers battus.

Nous avions un nombre incroyable de signaux d’alerte depuis plus d’une décennie : manque de relève entrepreneuriale, population vieillissante, attaques soutenues de notre environnement compétitif par le GAFAM et défis climatiques pour ne nommer que ces enjeux. Et tout est dorénavant exacerbé et le point de retour est depuis longtemps dépassé.

Pendant la pandémie, des pans complets de notre économie se sont écroulés défigurant au passage le paysage économique à commencer par la mort prématurée des petits commerces précaires. Tel un coup fatal dans le cœur, les restaurants, les organismes sociaux, les artistes, les salles de spectacle, les milliers de travailleurs du tourisme et les fournisseurs de cette industrie ont patiemment attendu pendant que leur vie perdait son sens un peu plus chaque jour. Et oui, pendant ce temps, cette pandémie a fait 40 nouveaux milliardaires qui n’ont aucune envie de redonner à tous ceux qui ont laissé leur chemise durant ses 2 années traumatisantes pour la majorité (sauf eux) et que dire des impôts que les pays ne récupéreront jamais malgré leur fortune soudaine. Voilà des valeurs mal placées et honteuses en pareilles circonstances et qui peut expliquer le trop-plein et le désespoir de plusieurs.

Comment allons-nous combattre notre survie commerciale à l’ère des titans?

Voilà une question qui trouve sa réponse dans la partie la plus humaine des entreprises.

Depuis le début de la pandémie, je remarque que le service à la clientèle s’est fortement dégradé. Souvent irritée par les « bots » pour répondre à une question simple, les réponses non seulement ne viennent que très rarement ou jamais, mais l’effort pour chercher la réponse me fait perdre un temps de fou, en français c’est un calvaire. J’ai récemment acheté des électros auprès d’une grande bannière. Mais des soucis multiples et des efforts pour régler cesdits soucis se sont soldés en plus de trois heures de perte de temps au téléphone et en personne. Sur ces trois heures, à peine 15 minutes de temps humain… le reste? De l’attente… et encore de l’attente, à mes frais. Bon, normal, vous me direz en ces temps de pandémie où les employés sont insuffisants. Bien non, ça doit expliquer peut-être 20%.

C’est la norme de service qui est déficiente. D’abord attiré par un prix, ensuite une disponibilité des stocks, il me semblait rassurant de choisir une grande bannière. Mais comment ont-ils réussi à attirer mon attention au départ? Évidemment dans le Web. Donc, une plus petite bannière locale n’y étant pas, forcément, elle ne peut faire partie des choix considérés par un consommateur en phase d’achat à cause de son référencement déficient.

Donc, vous aurez compris que pour se distinguer, il y a plusieurs éléments à considérer et franchement nous aurions tort de conclure que tout est une question d’argent parce que des valeurs, ça ne s’achète et ça ne s’invente pas et particulièrement les valeurs culturelles. Et franchement, des humains qui parlent notre langue et partagent nos valeurs feront toujours mieux que des robots et des FAQ en anglais.

Comprendre les effets de levier des valeurs

Évidemment, quelle que soit la grandeur d’une entreprise, chacune a intérêt à faire cet exercice et à impliquer ses employés. Mais je ne saurais trop insister sur l’urgence des plus petites entreprises à le faire pour en profiter le plus rapidement possible. Des tendances de repli sur soi, d’achat local (locavorisme), d’écoconscientisation avec le développement durable en tête de lice, pour ne nommer que celles-ci, jouent en faveur des entreprises capables de s’adapter rapidement.

Celles qui peuvent aussi éviter les pièges du « on n’a toujours fait ça comme ça » ou du « pourquoi changer une recette qui a toujours fonctionné sauf pour une période exceptionnelle passagère». Au fond, l’heure est aux remises en question profondes et seuls les vrais leaders peuvent y arriver avec authenticité.

La roue est facile à lire en mode zoom, et je ne ferai pas l’apologie des valeurs commerciales trop bien connues, comme les valeurs du consommateur qui elles aussi ont eu leurs gourous et leurs focus au fil de la dernière décennie, notamment avec l’expérience client et maintenant l’expérience employé. Ces valeurs sont importantes, mais là où je vois le plus grand potentiel pour les entreprises locales et nationales, c’est dans l’aspect des valeurs culturelles.

En effet, ces valeurs dites culturelles sont inimitables. Je prends mon expérience personnelle. Après 8 ans à travailler dans une grande banque canadienne anglophone, mon arrivée dans une banque francophone a été comme un retour à la maison. Chaque jour pendant des mois, je réalisais à quel point, il m’était plus facile de travailler avec mes collègues, et de servir mes clients. Honnêtement, j’ai compris à ce moment-là que la culture c’est viscéral, ça ne s’injecte pas de force.

Me forcer à m’exprimer en anglais dans mon travail quotidien a été bénéfique pour mon bilinguisme, mais mortel pour mon estime de moi. Exprimer ses points de vue en nuance dans une langue seconde, c’est pas mal plus difficile. Bref! Ici la langue est un exemple, mais cela va bien au-delà et j’en sais quelque chose pour les choix d’affaires qui prennent un bord ou l’autre selon notre milieu culturel.

Dans cet extrait des valeurs culturelles pour les clients, nous parlons d’identité et de pertinence. Pour ces deux points, nous mettons l’emphase sur la personnalisation et le contrat moral entre les clients et sa marque entre autres choses. Est-ce qu’Amazon peut réussir ça? À en juger par leur succès chez nous et dans le monde, nous dirions sûrement oui. Mais la vérité est plus nuancée. Tous ceux à qui je parle ont tous un profond sentiment de trahison et de malaise viscéral vis-à-vis leurs achats sur Amazon. Oui, ils le font quand même.

Mais si une entreprise était capable de leur prouver qu’ils ont tort avec des solutions qui dépassent le prix, le délai de livraison ou la disponibilité des stocks et qui misent sur le sentiment d’appartenance et des valeurs partagées, peut-être aurions-nous là, un avantage compétitif et surtout du service accessible dans notre langue.

Faire l’exercice de la roue de la valeur marketing est donc crucial pour aligner les actions marketing dans la bonne direction avec des messages que nous souhaitons partager auprès de nos écosystèmes. C’est une vraie boussole pour cimenter les liens entre les différents publics de l’entreprise. C’est justement le principe des fonds d’investissement verts ou québécois, ils misent sur des valeurs communes avec les investisseurs.

Se battre pour ses valeurs

Un jour, Louis Roquet a écrit : « Un gestionnaire sans valeurs n’a pas de valeur! » Je dirais aujourd’hui qu’une entreprise sans valeurs, connues et partagées, perd de la valeur! En laissant les événements gérer les décisions à courte vue, les entreprises perdent un temps précieux à se positionner sur l’échiquier des valeurs.

Les meilleures idées sont celles prises avec le cœur et qui respectent nos convictions. La pandémie a remis le mot « conviction » sur le haut du pavé et nous avons vu jusqu’où des convictions, biaisées ou pas, peuvent mener. Imaginons les clients silencieux dans un concert de klaxons. Certaines entreprises pourraient bien devenir sourde au sens propre après l’avoir été au sens figuré.

Ce pacte d’engagement social est à la dérive et selon ma lecture des enjeux commerciaux, je dis sans peur de me tromper que vos employés actuels, mais surtout futurs, tout comme vos clients, joignent votre entreprise pour vos valeurs communes et la quittent pour un bris de confiance et une rupture dans les valeurs communes. Comme je le fais chaque fois lorsque je suis trahie par une grande bannière.

Si le leader ne se bat pas pour des valeurs communes énoncées haut et fort, qui le fera? Je trouve que le Président de Loblaws a réussi le pari des valeurs partagées avec sa marque « Le choix du président ». Ce n’est pas d’hier et tous ceux qui voudraient le suivre sur ce terrain arriveraient au mieux deuxième. Des produits de meilleure qualité que les marques leaders avec la marque bleue notamment rejoignent les valeurs de consommation actuelles. Sympathique, authentique, bilingue, Galen G. Weston est le digne leader et porte-parole qui séduit les clients parce qu’il tient ses promesses et ne craint pas de porter le message. Qui peut en dire autant?

Je parie qu’il ne fait aucun compromis sur ses valeurs dans toutes les décisions qu’il prend pour l’entreprise. Mais ce qui est certain, c’est le fait que ses valeurs sont connues de ses employés, ses clients, ses fournisseurs, ses investisseurs et que les bottines vont dans le même sens que les babines comme on dit.

Enfin, vous voyez que la roue de la valeur marketing est un bon outil pour se différencier, mais surtout pour se définir. Jumelée à des outils complémentaires et des exercices ciblés sur la Présence, je parie que cet exercice peut changer le cours de votre croissance. Je suis prête à faire le pari avec tous dirigeants sérieux dans sa démarche.

La roue de la valeur marketing pourrait bien être la roue de fortune pour les entreprises branchées sur la Présence avec leur écosystème d’affaires.

Des expériences à partager? Des questions à poser? J’adore les échanges constructifs.

Alors, on les détermine ces valeurs pour les faire vivre ?

Blogue La Présence des idées