Je suis inspirée depuis plusieurs jours par l’idée de vous partager mes réflexions à la suite de nombreuses situations vécues auprès de mes fournisseurs et marchands.
D’abord, avant de vous expliquer le titre de ce billet, il faudrait d’abord que je vous explique ce que j’entends par « économie ». Si à peu près tout le monde peut se faire une idée assez aisément sur ce qu’est l’économie, particulièrement en ces temps difficiles où l’économie va plutôt mal, peu en comprennent le sens que j’explique depuis bientôt 15 ans. C’est pourquoi lors de mes conférences et formations axées sur le marketing stratégique, particulièrement l’expérience client, je prends quelques minutes pour expliquer l’économie d’expérience. L’expérience client ou l’expérience employé représente la Présence, ce thème qui me tient à cœur. D’ailleurs, mon livre « Le nouveau P du marketing : la Présence » semble de plus en plus pertinent en cette ère « d’absence », je dirais que la Présence est encore nouvelle.
Comprendre les différentes « économies »
Pour tenter d’inspirer les entrepreneurs sur la direction à prendre au début du nouveau millénaire, nous parlions d’une société de rêve où le « dreamketing » serait roi. Un marketing axé sur les expériences qu’il fait vivre à ses clients. Des expériences clients qui dépassent les attentes évidemment, des expériences « Wow ». À cela se greffaient des recommandations très prophétiques sur l’importance de l’expérience employé. Une conférence explique d’ailleurs à quel point ce tandem indissociable de l’expérience client et employé est aujourd’hui une urgence voire un défi quasi insurmontable.
Ainsi, cette citation de Joseph Pine & James Gilmore, auteurs du livre « The Experience Economy : Work is a Theatre & Every Business a Stage » résume bien l’idée :
« L’idée de l’expérience est aussi différente des services que les services le sont des produits »
Avec cette citation, la hiérarchie des économies est démystifiée pour situer l’échelle de l’offre.

Dans un pays riche en matières premières, nous avons été, et sommes toujours un grand employeur dans l’extraction et la transformation des ressources naturelles. Notre économie a ensuite évolué vers une économie axée sur la transformation de ces matières premières en produits, l’ère industrielle. Ensuite, l’économie de services est arrivée. Nous avons créé des milliers d’emplois autour des services facilitant la vie des consommateurs. L’économie de services est née après la libéralisation de la femme qui voulait travailler et sortir de la maison. Il y a donc, une foule de services personnels et professionnels nés pour remplir ce vide laissé par les femmes ayant désertées le foyer. Aujourd’hui encore, des services et des produits naissent pour nous éviter même de réfléchir. Un autre sujet évidemment.
Et, vers la fin du millénaire et le début de l’autre, nous avons commencé à voir les efforts de différenciation extrême axés sur « l’expérience client ». Non seulement servir le consommateur n’était plus suffisant, mais le rendre heureux, lui faire crier des « Wow », était dorénavant la seule avenue pour le fidéliser. Facile de comprendre que la « Présence » est essentielle pour créer une expérience client mémorable.
Une régression sans commune mesure : l’économie d’inexpérience
Nous sentions un essoufflement bien avant la pandémie. Les entreprises avec le vent dans les voiles avaient aussi des algues dans les pales d’hélices. Recruter, former et retenir les employés étaient devenues le nerf de la guerre. Et la pandémie n’a pas seulement démoli le fragile équilibre du marché de l’emploi, elle a aussi démoli les chaînes d’approvisionnement. Nous avons fait preuve collectivement de patience durant ces temps cauchemardesques, mais il faut bien admettre que plusieurs se sont réfugiés derrière les excuses de la Covid pour nous offrir une « absence » de services décents.
Que ce soit les interminables heures d’attentes pour une réclamation d’assurance voyage, pour un service bancaire, pour un problème avec notre téléphone mobile ou notre internet, ou simplement pour obtenir des soumissions, il y a dorénavant un seul mot d’ordre : PRENEZ VOTRE MAL EN PATIENCE!!! Et toutes ces entreprises ont de beaux messages pour s’excuser des délais d’attente toujours exceptionnellement anormaux et ironiquement permanents.
Ce matin, 40 minutes pour un suivi de réclamation, une heure et demie en attente pour parler à un fonctionnaire la semaine dernière, et ce week-end, la cerise sur le sundae comme on dit en bon québécois : une intervention d’urgence avec une bombonne de gaz propane remplie à sa pleine capacité au lieu du 80% exigé. Un employé lunatique qui s’est permis de jouer avec ma sécurité pendant qu’il se jouait dans le… Si au moins, c’était de la fiction! Le conseiller en intervention d’urgence m’a dit : que voulez-vous, madame? Avec la pénurie de la main-d’œuvre, nos standards de qualité sont difficiles à maintenir!
Nous sommes donc en régression totale. Non seulement devons-nous oublier l’économie d’expérience, mais l’économie de services était une brise fraîche comparée à ce fiasco de services ratés que nous endurons depuis des années.
Que dire de l’inexpérience des employés engagés qui n’ont pas la formation suffisante et/ou l’expérience de vie suffisante pour comprendre des choses simples comme la politesse, la bienveillance ou la débrouillardise.
La solution à l’économie d’inexpérience : des standards minimums
Nous avons peu d’espoir de revenir à des niveaux de service acceptables. Alors, oublions les niveaux de service « wow » auxquels nous étions habitués. Aujourd’hui être servi est un exploit. Essayez de trouver un commis dans une quincaillerie ou une grande surface, et si par chance vous le trouvez, vous risquez de vous demander pourquoi vous le cherchiez! Que dire des restaurants de grandes chaînes; les adolescents qui servent et souvent seuls à la caisse et à la cuisine (oui, j’ai vu ça). Ces employés mériteraient des médailles et leurs patrons des réprimandes.
Sérieusement, c’est franchement inquiétant. Et poussées par l’air du temps, les entreprises comptent sur notre faculté de niveler vers le bas. Évitant ainsi de faire les bons choix pour nous offrir un minimum de services. Que voulez-vous, ils manquent de main-d’œuvre!
Il serait temps que des standards minimums soient exigés pour établir le nombre d’employés nécessaire au pied carré ou les temps d’attente dans les centres d’appel. La raison étant fort simple : les employés qui doivent endurer la pression de part et d’autre s’épuisent et ne font qu’envenimer le problème. Ces employés subissent tellement de désagréments que quitter leur emploi devient une obsession et leur légendaire sourire est dorénavant une prime de luxe.
Je ne peux pas croire que nous ayons atteint le fond du baril à ce point. Une récession se pointe à l’horizon. Amazon, Facebook, Twitter, Stripe, etc. font des licenciements drastiques depuis des jours. Si ces mastodontes en arrivent là, je vous laisse présager la suite de cette cascade catastrophique pour l’économie en général. Des employés à forts salaires qui chercheront des emplois équivalents, mais non disponibles. Peut-être que l’effet sera positif dans d’autres secteurs de l’économie, mais j’en doute. D’ailleurs, tout le monde se pose la question : mais où sont passés ces employés qui travaillaient avant la pandémie? Logiquement, nous devrions voir des industries ayant récupéré ces ressources, mais non.
Les prix augmentent et les services diminuent
Dire que nous sommes dans une économie d’inexpérience est un euphémisme. Non seulement, nous n’avons plus services, mais le service que nous recevons par des employés inexpérimentés est parfois gênant. Mais nous sommes compréhensifs, nous ne voulons surtout pas envenimer la situation. Du moins, les plus civilisés d’entre nous.
À cette économie axée sur les failles de services, s’ajoutent les efforts des entreprises pour nous refiler leurs augmentations, justifiées dans certains cas, et dans d’autres cas par pur opportunisme. Et que dire de la « réduflation » qui explique pourquoi un pot de yogourt est passé de 1 kg à 950 g à 908 g pour toujours pour éviter une hausse de prix qui vient de toute façon.
Donc, tout coûte plus cher. Aucun secteur n’est épargné. Si une pizza moyenne garnie (6 petites pointes) coûte maintenant 40 $ avec le pourboire, il ne faut pas s’étonner que la pression sur les salaires augmente. Tout le monde doit jongler avec des budgets limités et des marges de manœuvre qui s’amenuisent, pour certains c’est la panique.
Que dire des frais que nous ne calculons plus comme nos efforts à titre de clients. Je ne sais pas pour vous, mais mon temps est très précieux. Lorsque je perds du temps au téléphone, c’est du temps non disponible pour mes clients. Le temps c’est de l’argent, et les entreprises le savent. C’est pour ça qu’elles préfèrent que vous payiez de votre temps et non le leur. En brandissant la pénurie de main-d’œuvre, elles peuvent dormir en paix pendant que leurs profits ne cessent d’augmenter. Autre mystère, comme celui des caisses libre-service où le client fait tout, mais sans le moindre effet sur sa facture.
Ce billet est un appel à notre vigilance collective. Cessons de niveler vers le bas, exigeons des niveaux de services respectueux faute d’être normaux. Si votre entreprise ne peut offrir les services nécessaires à son offre, peut-être faudrait-il réviser votre offre et être transparent afin que nous fassions des choix éclairés. Cessez de nous pousser chez Amazon et cie.
Nous avons un défi collectif en ce moment
Il vient un moment où l’inflation atteint la limite des capacités des consommateurs à payer. Nous sommes en quelque sorte en train de construire un mur vers lequel nous fonçons à pleine vitesse. Les entreprises qui sauront faire la part des choses en limitant les augmentations alléchantes et la « réduflation » et qui sauront mettre la barre un peu plus haute qu’un service minimum pourront fidéliser leur clientèle. Les entreprises qui aideront leurs clients à faire des économies auront aussi leur part du gâteau.
Pour ma part, je commence sérieusement à perdre patience et je n’ose pas imaginer ce que les familles et les personnes à revenus limités subissent comme pression en ce moment. Voilà une belle occasion pour les entreprises « Présentes » de faire mieux que le minimum. Où sont les chefs de la Présence? Aidons-nous collectivement à passer à travers la tempête.
PS Tu as une entreprise et tu cherches des idées, viens jaser avec moi! Je sais ce que veut dire une belle expérience de service. Je suis axée sur la Présence!
