Un soir d’hiver, une amie voisine me texte un message de panique : j’ai fait une gaffe je crois, vite aide-moi, je peux venir te voir? Quelques minutes plus tard, la voilà avec son portable assise à ma table m’expliquant d’un trait, à la manière de quelqu’un qui vient d’allumer un feu dans une chambre de barils de poudre à canon, ce qu’elle a fait et de quoi elle a peur. Vous vous doutez bien qu’au final, il n’y avait rien de grave et que le tout s’est terminé par une petite leçon sur les bases élémentaires de la sécurité informatique.
Nous poursuivons la discussion, et candidement elle admet souffrir d’anxiété face à toutes ces affaires-là… comprendre ici, tout ce qui entoure le merveilleux monde du numérique. Elle me confit se sentir complètement dépassée par tout ça, ayant une peur et un inconfort qu’elle sait anormal pour son besoin professionnel de traiter avec ces outils fort utiles et disons-le incontournables. Une directrice d’agence responsable du sort de d’autres professionnels qui dépendent d’elle pour gérer leurs affaires. J’ai l’impression de devenir le psy qui essaie de la réconforter et de la rassurer pendant qu’elle, sur son divan, ne voit pas le jour où elle se sentira à l’aise avec tout ça. Elle me confit avoir pris des leçons d’initiation à l’informatique et d’autres formations, mais elle a un blocage. Je confirme : un gros blocage! Au passage, je salue le courage d’avouer une telle angoisse, car il faut bien le dire, dans une époque où le numérique est incrusté dans toutes les sphères de nos vies, admettre ses angoisses ne semble pas très « winner » aux yeux de ceux qui baignent quotidiennement (comme moi) dans cet univers fascinant, mais inévitablement instable et changeant trop vite.
De la véritable angoisse qui mérite notre compassion
L’été dernier, je croise une autre amie en marchant sur la rue piétonnière dans mon quartier. Elle marche comme si elle était poursuivie, elle est en totale panique, elle pleure, elle est hystérique. Elle est au beau milieu d’un piratage en règle avec le pirate au téléphone qui lui donne les instructions à suivre. Elle doit aller acheter une carte iTunes au magasin le plus proche. Voyant son angoisse, je lui demande de me dire en quelques mots ce qui se passe. Je ne fais ni un, ni deux, et je prends le téléphone pour parler à celui qui se fait passer pour un employé de Microsoft qui lui dit vouloir l’aider pour contourner le virus qui semble s’être infiltré sur son iPad. Évidemment, elle a été victime d’une arnaque d’hameçonnage et elle est totalement démunie face à ce scénario digne d’un film de science-fiction ou d’espionnage. En prenant le téléphone, le petit con me demande qui je suis, je rétorque en lui posant la même question. Je lui dis que mon amie ne parle pas bien l’anglais et elle ne comprend pas trop ce qui se passe. Après son refus de s’identifier, je lui répète que j’exige de parler à son supérieur. Il me dit de lui repasser mon amie qui parle mieux anglais que moi sous la menace que son bug ne serait jamais réglé. Il est maintenant plus que clair que ce n’est pas un employé impoli de Microsoft qui est à l’autre bout du fil. Il a un accent russe et un langage rustre… je ne fais ni un, ni deux, je l’envoie en enfer et je raccroche.
Mon amie pleure, elle s’effondre complètement déboutée par ce qu’elle vient de vivre. Elle ne cesse de dire qu’elle a tout perdu, sa vie numérique s’est envolée. Elle craint qu’on lui ait dévalisé toutes ses informations. L’angoisse est à son paroxysme de même que sa culpabilité. Elle fait réellement pitié. En relatant les étapes, il appert que le vol de son identité est peu probable. Quoi qu’il en soit, tout a commencé par un clic imprudent sur bouton qui semblait légitime. Ce genre de bouton qui dit que si vous n’appuyez pas maintenant, votre disque dur sera effacé. Un message qui semble avoir été écrit par Microsoft lui-même. Je passerai le reste de ladite soirée à la rassurer et calmer son angoisse bien légitime rendue à cette étape. Lui rappeler aussi l’importance d’avoir une sauvegarde de ses avoirs numériques.
Le nouveau phénomène de l’anxiété numérique : le fossé numérique
Cela paraît difficile à comprendre pour une certaine partie d’entre nous et c’est pourquoi j’en parle aujourd’hui parce que l’angoisse numérique est une réalité. Depuis les débuts de l’ère numérique, je peux affirmer que j’ai vu bien des manifestations d’angoisse ou d’anxiété numérique. Selon que tu sois né avec le numérique (natif numérique) ou que tu aies développé cette connaissance beaucoup plus tard dans ta vie (émigrant numérique), le phénomène ne ment pas. Il affecte bien plus de gens que nous le croyons, sans discrimination de sexe, d’âge, de statut social. Du chef d’entreprise qui fait semblant d’être au-dessus de tout, mais qui ne pourrait jamais taper une lettre lui-même sur son ordinateur et qui résiste à toutes solutions numériques facilitantes, en passant par les autres qui déclinent toutes formes de dépendance au numérique simplement parce que la vérité toute crue est qu’ils ne savent simplement pas utiliser les téléphones ou tablettes intelligentes, ou la simple vue d’un clavier leur fait détourner le regard ou lever les yeux au ciel. J’appelle ce phénomène le fossé numérique et quoique cette faille soit plus évidente entre les natifs et les émigrants numériques, il ne faut pas croire qu’elle soit une simple question d’âge. Ce n’est pas parce qu’un jeune peut atteindre le dernier niveau à MineCraft ou le dernier défi de sa Nintendo Switch ou qu’il sache chasser le dernier Pokémon qu’il soit épargné de souffrir d’anxiété numérique. Certes, il est plus susceptible de souffrir d’inconscience numérique et d’être imprudent, mais devant des tâches utiles à un travail administratif, croyez-moi le clavier de l‘analphabétisme technologique n’épargne aucune génération. En fait, ces derniers sont plus susceptibles de souffrir de nomophobie, un peu comme moi qui ai passé deux semaines à Cuba dans le pays le plus déconnecté que j’ai expérimenté à ce jour où on achète le temps de connexion à l’heure. Et quand c’est lent, voire très lent, être branché prend une autre signification et le temps aussi.
En fait, l’angoisse numérique a bien des visages et donc, des acronymes variés reflétant des addictions toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Entre les FOMO, les FOJI, les Smombies, les FOBO et j’en passe (voir le tableau ici), chacun fait face à de nouveaux démons issus de cette nouvelle réalité hyper numérique. Au fond, les personnalités sensibles aux angoisses et aux dépendances doivent lutter très fort pour ne pas se laisser avaler par une angoisse quelconque par les temps branchés. Remarquez ici que ce billet ne met pas en relief les anxiogènes de l’hyperconnexion, mais bien de l’angoisse de l’analphabétisme technologique qui envahit le monde. Le monde étant maintenant régit par la codification informatique, vaut mieux s’y faire et prendre le taureau par les cornes du pixel comme le Maire de New-York l’a fait en 2012. Le syndrome de l’autruche doit cesser.
Le pont sur la fracture numérique
Il est rassurant de penser que les enfants sont initiés plus tôt dans nos écoles à cette réalité numérique. Peut-être un peu moins de penser que plusieurs enseignants eux-mêmes soient atteints d’une forme d’anxiété ou d’analphabétisme numérique. En fait, qui valide leurs connaissances? Qui prépare les programmes? Qui s’occupe de former les travailleurs de demain avec les connaissances nécessaires devant, et non derrière. Des questions légitimes lorsque nous réaliserons que le fossé est de plus en plus profond entre certaines classes de citoyens. Mon papa qui a célébré ses 78 ans s’est fait offrir une tablette. Nul besoin de préciser que l’inconfort a été immédiat devant cette nouvelle façon d’explorer le Web, Facebook etc…. mais comme tous ceux qui expérimentent les tablettes, la mobilité et l’accessibilité gagnent bien rapidement sur les craintes d’apprivoiser une nouvelle ergonomie. Le voilà déjà accroc de son nouveau jouet et de son jeu 4 Images – un mot. Un peu moins angoissé chaque jour, il n’en demeure pas moins qu’il reste dans sa zone de confort. Après tout, n’est-ce pas là la nature humaine: certains osent, certains essaient, d’autres n’essaient pas, et plusieurs fuient après un seul essai raté.
Déjà plus de dix ans à faire un pont sur la fracture numérique pour que chacun puisse trouver les bénéfices utiles à leurs besoins qu’ils soient d’affaires ou pour le plaisir. J’avoue que parfois dans ma grande naïveté, je croyais que ce pont était fait. Force est de constater que bien du travail reste encore à faire. Avec la reconnaissance vocale qui entre dans notre quotidien, certains pourront croire que la peur du clavier est une chose du passé, peut-être, mais il est évident que comprendre comment fonctionnent ces programmes ne pourra jamais nuire à son usage optimal avant de s’époumoner à crier : Allume les lumières ou baisse le volume!!!
Pour ma part, je suis déjà dans une nouvelle forme d’angoisse numérique qui pointe à l’horizon : celle que les intelligences artificielles viendront confirmer que nous avons raté le train en tant qu’humain et que seule une machine peut apprendre et faire mieux et plus vite. J’avoue que j’ai vraiment une crainte profonde que nous soyons tous dans le TGV de l’inconscience collective.
Vous aimeriez parler de vos angoisses numériques, vous aider à franchir un nouveau pas dans cet univers qui ne mord pas, mais qui montrent parfois les dents? Dites-moi en privé ce qui manque à votre niveau de réconfort numérique. Personne ne devrait subir de l’anxiété numérique en 2018 particulièrement si votre succès en affaires en dépend! Je vous offre aussi mon livre à 5$ en format PDF pour vous rassurer que la Présence requiert certes une compréhension des technologies, mais avant tout de la compréhension des besoins humains.
N’hésitez pas à partager vos angoisses ou vos expériences, c’est thérapeutique!
Très intéressant ! Merci pour l’article !
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte. blog très intéressant. Je reviendrai. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir