La fête de l’Halloween ou la vie selon Donald Trump ou peut-être cette ère de dangers climatiques sans précédents ou la récente légalisation du cannabis au Canada m’inspirent-ils une sortie sur un phénomène bien utilisé par les entreprises, et encore mieux par les ONG : le darketing!
Une contraction des mots DARK et MARKETING qui résume bien là une technique à la fois malicieuse et efficace utilisée par les marques pour vous convaincre de choisir leur solution ou diaboliser celles des autres.
En fait, une grande majorité des achats quotidiens sont menés par la peur : la peur d’être malade, la peur d’être contaminé, la peur du manque, la peur des autres, la peur d’être attaqué, la peur de mourir et j’en passe.
Le darketing mise donc sur les peurs des consommateurs en proposant d’abord des solutions à des problèmes ou des risques, quoique potentiellement réels, mais qui souvent au final résident plus dans l’imaginaire. Les marques de sens offrent plutôt des produits et services qui répondent un réel besoin.
Le risque zéro n’existe pas dans notre société, apprendre à vivre avec un minimum de risque serait sans doute plus sage que tenter d’éliminer le risque. En effet, il est utopique de croire qu’on peut éliminer le risque de consommation pour soi et pour la planète. Bien sûr, il faut être prudent, mais le défi est de bien évaluer ce risque en termes concrets. Il y aura toujours ceux qui ont peur de leur ombre et ceux qui portent les lunettes roses de manière insouciante.
Pourtant, les efforts de communication visent soit à nous convaincre qu’il n’y a pas de risques, ou au contraire, que les risques sont démesurément grands. On mise sur les deux extrêmes pour inventer des solutions à de faux problèmes. Dans les deux cas, nous sommes amenés à mesurer les risques réels durant le processus d’achat consciemment ou inconsciemment.
Par exemple, fumer du cannabis peut être excellent pour un malade souffrant de douleurs chroniques, mais nuisible pour un jeune de 16 ans en proie à une dépendance et en pleine croissance. Le rapport ici entre risque et bienfaits est facile à mettre en opposition.
Prenons la nouvelle marque collective au Québec, la SQDC (Société Québécoise de Cannabis) à titre d’exemple pour illustrer la dichotomie communicationnelle. D’abord, je ne croyais pas vivre ça de mon vivant, mais oui, non seulement c’est dorénavant légal de consommer du « pot » depuis le 17 octobre dernier au pays, mais c’est une société d’état qui le fait au Québec. La main droite nous mets en garde contre les dangers, et la main gauche encaisse. Les campagnes de peur sont commencées pour nous prévenir contre les dangers des hallucinations et de la consommation sur le cerveau.
Or, c’est rare qu’une marque a le courage de mettre les dangers et les risques autour de son produit sur la place publique. C’est encore plus rare de ne parler que des dangers sans promouvoir la vente. Généralement la marque fuit les débats de société, paie des lobbyistes pour faire des entourloupettes aux lois, assouplir les règles et manipuler le système. Le ministre de l’environnement en France, Nicolas Hulot, a démissionné à cause de ce phénomène.
Les marques préfèrent le manque de Présence, et payer pour un cabinet de relations publiques afin de répondre aux attaques des groupes de pression qui osent mettre les débats sur la place publique.
Pensons à Nestlé et l’huile de palme, à Mosanto, avec les OGM et les pesticides et les pharmaceutiques qui ont un médicament pour chaque bobo, mais des contre-indications pour des dizaines d’autres….et qui frappent sur l’industrie des produits naturels à bras raccourcis, alors que cette industrie a été réduite à se justifier en permanence et voire interdite à la promotion de bienfaits réels, mais argumentés par les concurrents de médicaments chimiques à cause de leur lobbying puissant. Certaines industries ont même été réduites au silence et bannies de l’arène promotionnelle pour abus de la confiance auprès du public. Pensons aux compagnies de tabac qui ont péché par omission d’informations des risques réels pendant des années créant une vague de cancer sans précédents. La prochaine industrie à mon avis sera les télécommunications et le danger « réel » des ondes cellulaires et des ondes wifi.
C’est ainsi qu’on oppose des guerres de risques réels cachés, avec des risques imaginaires grossis à la loupe. C’est aussi ainsi que les « darketeurs » adorent exagérer les bénéfices de leurs produits et cacher les effets indésirables de la consommation de leurs produits.
Le consommateur se retrouve ballotté au centre entre ses envies d’une barre de chocolat aux ingrédients douteux, ses antiacides chimiques et sa conscience malmenée en pensant aux méthodes de production desdits produits qui détruisent des forêts entières et privent les animaux de leur habitat naturel tout en exploitant des enfants les plus pauvres de la terre.
Il n’y a pas à dire, si la peur fait vendre, il faut la manipuler à son avantage et savoir sur quels points sensibles appuyer. Mais pourquoi sommes-nous traités comme des consommateurs naïfs et non intelligents à priori ?
LA PEUR ET LES 7 PÉCHÉS CAPITAUX : ARME MARKETING
Depuis la nuit des temps, les darketeurs exploitent les peurs et les faiblesses humaines, et les plus tordus peuvent aller très loin. Ce n’est pas nouveau, et je suis sûre que nous ne verrons pas la fin de ce stratagème, du moins, de mon vivant. L’avènement des fausses nouvelles a facilité le travail de darketing sur le Web avec les peurs, mais heureusement aussi, la facilité à faire des recherches permet de se faire une meilleure idée avant d’acheter.
Le marketing axé sur la Présence, le marketing de sens qui traite avec des consommateurs intelligents, est un antidote à ce marketing malicieux qui fait dire à trop de gens que le marketing est le diable incarné.
Or, que nous soyons croyants ou pas, un fait demeure : nul n’échappe à la vulnérabilité de notre nature humaine, Les sept péchés capitaux selon la religion catholique ont le mérite de bien résumer ces failles qui sommeillent en nous.
D’ailleurs, on me demande régulièrement ce que j’entends par « consommateurs intelligents ». Je me permettrai ici un extrait de mon livre (Le nouveau « P » du marketing : la Présence) et d’ajouter que le consommateur intelligent prend le temps de magasiner et réfléchir avant d’acheter :
« À l’heure de l’infobésité et de l’infoxicité, il faudrait franchement vivre sur une autre planète pour ne pas être exposé à l’information bombardée de façon boulimique et souvent toxique. Cauchemar des uns, et bénédiction des autres, la quantité phénoménale d’informations tantôt générée par des sources crédibles, tantôt par des sources biaisées, et aussi par les usagers eux-mêmes est une véritable révolution du rapport de force. Dans un tel contexte, la Présence est la seule option pour convaincre un consommateur intelligent, qui sait comment trouver l’information pertinente pour répondre à ses questionnements ou combler ses lacunes de connaissances. Il est de plus en plus naturel de tenir pour acquis que le client en connaît plus que nos employés sur certains produits ou services. Lorsqu’il décide de se rendre sur le lieu d’achat, c’est soit pour voir le produit de ses yeux et le toucher, soit pour s’assurer qu’il a tout compris ce qu’il a lu à ce sujet. Parfois, c’est purement et simplement pour demander au commis dans quelle rangée l’article se trouve ou formuler d’autres requêtes sans lien avec la décision d’achat. »
Difficile de nier que les consommateurs intelligents sont le nouveau défi des darketeurs mal intentionnés. Je ne tenterai pas d’opposer ici le mot « intelligent » avec « faiblesses » humaines, parce que nous pourrions croire, à tort, que les faiblesses sont un signe d’ignorance ou une antithèse de l’intelligence.
En fait, ce que je dirais plutôt, c’est que certains se laissent dominer par leurs pulsions, et d’autres par leur cerveau cartésien. Il faut simplement dire à la fin qu’un consommateur qui a des phobies, des vices, ou des difficultés à gérer ses pulsions sera une cible de choix pour les tactiques marketing qui misent sur ces faiblesses.
- Parlons de la première faille : la paresse. C’est sur cette faiblesse que toutes les entreprises comptent pour vous vendre des solutions facilitatrices ou des services d’entretien de toutes sortes. Nous sommes tous mus par le désir de faire plus, en moins de temps, souvent ce n’est pas en lien avec la paresse, mais plutôt avec la denrée rare qu’est devenu le temps. Mais soyons honnête, s’il s’agit de faire un effort physique, ou de prendre le temps de « faire quelque chose qui nous rebute », nous péchons tous par la paresse. Une fois la main dans l’engrenage de la délégation et de la facilité, les chances sont que nous y demeurons. C’est pourquoi les barrières à la sortie fonctionnent si bien. Plus les efforts requis pour changer de fournisseur sont grands, et meilleures sont vos chances de garder vos clients paresseux.
- L’orgueil : la grande faiblesse des gens intelligents. Difficile de nier que l’orgueil est le terroir fertile de l’industrie de la beauté, de la mode, des chirurgies esthétiques et tutti quanti. Qui ne pèche pas par orgueil sur ce tableau. Le marketing l’a bien compris, et la seule peur de ne pas être à la mode, ou d’avoir l’air de notre âge, ou d’avoir un poil de travers, nous fait devenir un consommateur un tantinet plus vulnérable aux messages publicitaires. L’anorexie et la boulimie sont d’ailleurs des maladies de notre siècle engendrées par les méchants darketeurs. Et quoi d’autre? Les diètes, les entraîneurs, les centres d’exercices, etc. sont sur le tableau de l’orgueil, même si certaines choses sont souhaitables pour notre santé… l’orgueil est le meilleur stimulant!
- L’avarice : faire l’écureuil au détriment d’autres priorités. À titre d’ex-banquière, je ne saurais trop oublier les gens riches que j’ai rencontrés dans les secteurs les plus cossus de Montréal. Curieusement, c’est aussi là que j’ai vu les plus grands avares. C’est connu, riche et économe riment souvent ensemble. Moi qui prône la grattitude et la générosité disons que les rabais et les seconds remplissages de soda, ou de café, ont de quoi plaire à ces consommateurs sensibles au prix. Il n’y a qu’à voir les files d’attente au « Black Friday ou Boxing Day » pour comprendre l’attrait des bons prix. Mais ici, être économe est souvent un signe d’intelligence… sauf si cela se fait au détriment des autres et que cela prend des allures de « preneur ».
- L’envie : proche parent de l’orgueil, un appât parfait. L’envie est très certainement reliée à l’orgueil, car il faut vouloir ce que l’autre a, pour être envieux. Et cet « autre » c’est vous, c’est moi, mais c’est quelqu’un qui a logiquement, davantage que soi. Plus de charme, plus d’argent, plus de tout et qui nous rappelle que nous avons « moins » de tout. Les directeurs en entreprise ont souvent le don de peser sur le bouton de l’envie, car tout est fait pour que leurs « plus » rappellent nos « moins ». Grand bureau, meilleur salaire, grandes fenêtres, plus de vacances, beaux vêtements, etc. C’est le marketing RH qui mise aussi sur cet attrait pour motiver les envieux à avoir plus de « plus ». Mais sans doute la faille la plus grande pour le consommateur impulsif qui se laissera séduire par les marques d’imitation. C’est pour eux que les plagiats de bourses, montres, vêtements et griffes de luxe ont été inventés. Un marché très lucratif. La peur d’avoir l’air « moins » est très efficace pour attirer les envieux, au risque d’être démasqués.
- La colère : fief des indignés et de la justice. Évidemment, le marketing utilise depuis longtemps cette tactique pour nous vendre des solutions qui nous éviteront la colère. Personne ne veut être en colère, mais la colère fait réagir, et les causes humanitaires, les injustices et les différents mouvements écologiques misent sur cet état émotif pour vous faire réagir. Les gens indignés se mobilisent plus facilement. Faites attention de ne pas vous faire manipuler,car certains posent des gestes regrettables lorsqu’ils sont vraiment en colère. C’est une arme de destruction adorée des gourous.
- La gourmandise : la résistance est difficile. Passé maître dans l’art de la tentation, le lobby du sucre nous a même drogués au point où nos fonctions vitales en sont maintenant affectées. Le diabète est une des maladies du siècle, et l’obésité son aspect visible. À ce chapitre, difficile de résister, et franchement je vous confirme, vos papilles sont la cible de bien des petits futés. N’allez pas trop loin, la SAQ mise sur votre côté épicurien pour nourrir les caisses de l’État. À l’heure des chefs-vedettes, faut-il se surprendre de voir autant de tentations partout autour de nous? C’est payant, et les annonceurs adorent nous torturer. La peur d’en manquer est un excellent stimulant aussi.
- La luxure : ici les trois « x » disent tout. L’industrie du sexe, de la pornographie et du plaisir interdit n’a pas de leçons de marketing à recevoir de personne. Ce sont eux qui ont établi les premiers modèles de rentabilité sur le Web. En fait, je pourrais parler ici d’envie… de leurs recettes. Quoi qu’il en soit, certains consommateurs, même intelligents, ne savent pas résister aux tentations et aux pulsions sexuelles. Nous connaissons les dérives, mais n’allez pas croire que la perversion est synonyme de luxure. Mais cette industrie connaît tous nos boutons de faiblesse, et les exploitent depuis des millénaires. Ici, je ne parlerai pas des vices comme le jeu, la cigarette, la drogue comme le cannabis et les médicaments à grande dépendance, car vous aurez compris que les faiblesses axées sur le plaisir font vivre l’économie légale, et malheureusement aussi la souterraine.
J’ai pris le temps de vous expliquer tout ça pour une simple raison : nous sommes tous des consommateurs intelligents, mais nos failles sont celles que les darketeurs exploitent depuis la nuit des temps. La seule façon d’empêcher ce cercle vicieux, c’est nous! Plus nous mordons aux hameçons, et plus nous encourageons ces tactiques.
Ce n’est pas un discours judéo-chrétien que je souhaite tenir, mais plutôt un plaidoyer pour faire un marketing de sens avec de vrais marketeurs qui aident les consommateurs à devenir plus intelligents et moins impulsifs. En fait, le défi est d’élever notre seuil de résistance aux tentations et migrer vers l’intention.. Fournir de l’information complète et totale sur vos produits et services serait déjà un grand pas vers un marketing de sens. Élever votre conscience collective un autre grand pas dans ces temps de cynisme et de réelle peur de la vengeance de la planète.
À moyen et long terme, c’est payant. Mais ça, les méchants darketeurs ne veulent pas l’entendre! En ces temps de vampires, prenez garde à votre sang… ils sont tous assoiffés et rien ne les arrêtent! Si vous voyez des dents longues, c’est peut-être qu’elles mordent! Faites marcher votre radar!
Soyons plus intelligent collectivement, et aidons-nous à combler nos failles en partageant les abus dont nous sommes témoins ou victimes! Qui a dit que faire du marketing de sens était utopique… pas moi, je le jure!
Bon Halloween!
3 commentaires sur « Le marketing de peur: le « darketing » et les 7 péchés capitaux! »