C’est un fait, chaque époque a produit son lot d’élites, et au passage, des modèles de reproduction de ses élites bien-pensantes via des systèmes d’éducation adaptés à ses valeurs. Pas une seule société, dite civilisée, ne peut évoluer sans une élite pour repousser les paradigmes, étayer de nouvelles thèses, de nouvelles théories, de nouveaux modèles pour remplacer les anciens, et de la verve et de la crédibilité pour convaincre le pouvoir du bien-fondé de leur théorie. Or, un gros problème se dessine, depuis au moins une décennie, avec la révolution numérique. Une fracture numérique, que dis-je une faille sismique, entre la base et la tête de la pyramide du savoir, et bien sûr le pouvoir, quant à l’usage et l’intégration des nouvelles technologies dans nos vies. La pression ne vient plus d’en haut, elle monte vers le haut et impose un nouvel ordre à lequel les élites ne sont pas préparés.
Un nouvel ordre : le chaos du savoir
Pour les bien-pensants, généralement plus âgés, le phénomène du citoyen numérique ressemble plus à une menace à l’ordre établi, une atteinte aux traditions de l’enseignement, à l’émergence d’une démocratie dirigée par le bas et à la dégradation de la valeur que l’on accorde aux savoirs. D’ailleurs, si le savoir était coté en bourse, les actions seraient à la baisse, voire à la dérive. Le problème est grave, car la majorité des élites de tous les pays civilisés du monde sont à peu près analphabètes technologiques. Un illettrisme numérique noté d’ailleurs par Laure Belot dans son nouveau livre, résumé d’une enquête : « La déconnexion des élites ou Comment Internet dérange l’ordre établi ». Un livre dont le titre aurait pu m’inspirer l’écriture d’un contenu riche, et qui au fond est la trame de fond de ce blogue depuis 2007. Comment une élite bien-pensante peut-elle apporter des solutions à des problèmes auxquels elle ne s’identifie pas et ne participe pas?
Un nouveau chaos : la calèche de l’ignorance numérique
Autant sommes-nous (j’en suis) plusieurs à décrier le manque de vision des gouvernements quant au numérique et l’absence d’un plan conséquent, autant nous sommes déjà obsolète en réclamant un tel plan numérique. Parce que le numérique n’est pas un nouveau wagon dans une locomotive au charbon, mais bien un nouveau TTTGV (Train à Très Très Grande Vitesse) conçu pour un système de rails que nous construisons au fur et à mesure que le train passe, ou pour certains, après que le train soit passé. Nos élites, qui se promènent encore en calèche de l’ignorance numérique, sont ces mêmes penseurs qui réfléchissent aux conséquences de la vitesse du TTTGV, alors que les citoyens sont dans ce train qui file plus vite que leurs capacités d’adaptation.
Ces mêmes citoyens qui ne vivent pas dans deux réalités parallèles, l’une dite virtuelle, et l’autre traditionnelle, cherchent des signalisations revues et corrigées, des balises, des freins, des issues, des itinéraires, et bien plus. Pendant ce temps, les élites font de la philosophie sur les dangers d’aller à une telle vitesse dans un train sans chemineau. De leur côté, les gouvernements sont à la remorque du pouvoir établi et veulent imposer des limites de vitesse en changeant les lois, et pire, interdire l’accès aux rails des TTTGV. Nos élites dirigeantes poussent l’ironie en payant des consultants informatiques pour voir comment nous pourrions automatiser l’émission des contraventions de vitesse grâce au TI. Voilà une façon imagée de présenter les rails de l’ignorance numérique, ou le train numérique qui déraille sous le regard pantois des gouvernements qui n’offrent que la résistance comme solution à cette révolution. Une mise à jour (mai 2016), le dossier « Uber » et la nouvelle loi 100, voir mon article : L’économie de partage ou de saccage?
Des nouveaux riches qui ne possèdent que des serveurs
Pendant ce temps, les nouveaux gourous numériques nous dictent des leçons d’économie 2.0 avec à peine deux ou trois décennies de vie sur cette terre. Cette nouvelle élite numérique, à peine sortie de la puberté, bouscule, démolit, et piétine les règles établies, ou profite des vides juridiques, pour accaparer les plus grandes richesses, et construire, pixel par pixel, de nouveaux monopoles aux allures futuristes. Un monde gouverné par des « geeks » qui se donnent des vertus héroïques jusqu’à ce que l’argent finisse par devenir leur nouveau maître, ou que leur égo développe un appétit insatiable pour dominer le monde. Aucun des plus grands succès commerciaux actuels ne possède d’actifs tangibles, que des serveurs qui ne dérougissent pas (voir l’image en haut). C’est dire à quel point l’économie est redessinée par l’inversion de la pyramide du pouvoir. C’est aussi dire que tous les nouveaux riches issus du pixel ont commencé comme des « Robin des bois » numériques. Une bonne vieille recette revue et corrigée : détourner notre attention pour mieux la revendre!
Quel avenir pour l’élite bien-pensante?
Trop occupé à penser comment conserver les acquis du passé, l’élite bien-pensante laisse l’avenir se dessiner par ceux qui n’ont rien à perdre et tout à gagner. Tout ça sous le regard approbateur des citoyens qui y voient là un juste retour du balancier, et, disons-le, une douce vengeance sur le 1 % qui possède 99 % des richesses. Une nouvelle voix sur les rails de la liberté d’expression qui tend à rendre les gouvernements au pouvoir très nerveux et paranoïaques. Pas étonnant qu’ils voient d’un mauvais œil ce nouvel équilibre des forces. Ils sont plus occupés à légiférer, à contrôler et à continuer à former des penseurs obsolètes dans nos écoles pour bien-pensants plutôt qu’à donner des chances égales à tous les citoyens de participer à cette nouvelle civilisation numérique de manière responsable et éclairée. Aucun secteur de notre économie n’est épargné, pas même les ressources naturelles, parce que même leur demande est redéfinie avec le nouvel ordre économique. Le partage des richesses doit rester le but ultime de cette révolution, et non une nouvelle manière de faire avec les nouveaux outils technologiques tout ce que nous avons reproché aux autres! Voilà une occasion de créer une nouvelle civilisation stimulée par le numérique, mais qui sera bien plus que numérique.
Voilà une belle occasion de repenser vos entreprises pour y ajouter de la Présence… celle qui vous rapproche de vos clients et employés et qui sait prendre racine au cœur des choses qui font la différence!
Tout à fait d’accord. Les entreprises qui ne s’adapteront pas , que dis-je, qui ne prendront pas les devants numériques auront de la difficulté à croître et même à se maintenir dans la course.