D’aussi loin que je me souvienne, Target est sous la mire des marketeurs aguerris, notamment parce que sa stratégie de marque est un modèle de succès et suscite l’envie. Je n’ai pas échappé à cette fascination, puisque cela fait couler l’encre depuis bien des années dans le milieu. Un logo simple, percutant, bien utilisé dans sa stratégie publicitaire, dont les Sears et les Wal-Mart se cachent pour les envier. Ce n’est donc pas étonnant que j’attendisse, assise aux premières loges, l’arrivée de ce géant au Canada. Pendant des mois, Target recrute, Target construit, Target ouvre bientôt, Target, Target, il n’y avait que de mots pour l’arrivée triomphale de ce féroce compétiteur de Wal-Mart aux É.-U. Il faut le dire, les attentes étaient élevées. Depuis, un an, ce sont les maux qui s’accumulent, en fait, un milliard, pour être exacts.
Américains et Canadiens: si proche et si loin à la fois
Demandez à M. Tony Fisher si les consommateurs canadiens sont comme ceux au sud de la frontière. Il a été congédié cette semaine. Les actionnaires n’étaient pas satisfaits des résultats, car le président de leur filiale canadienne n’a pas obtenu les résultats escomptés. Il faut dire qu’un milliard de pertes (ce n’est pas l’argent investi pour s’implanter, ce sont les coûts d’opérations), c’est beaucoup, beaucoup trop pour blâmer une seule personne d’ailleurs. À combien de pertes doit-on réagir? Nous rêvons tous d’être millionnaires, et un milliard, c’est mille millions, un seul million en perte, c’est déjà trop. Comment une telle situation est-elle possible dans un monde de gestion en temps réel? Comment un projet aussi colossal que celui de s’implanter dans tout le Canada n’a pas été mieux planifié? Franchement, je suis stoïque face à une telle absurdité. Les Canadiens ne sont pas une pâle copie des Américains. Nos comportements d’achat et nos habitudes sont très différents, et les Québécois avec le reste du Canada (ROC) de surcroît. Une étude de marché a sûrement été faite, enfin j’ose croire. Que disait cette étude? Allez-y, les Canadiens vous attendent avec un large sourire, pour consommer votre offre vanille, dans un marché vanille, où la seule vue de votre logo nous charmera?
L’art de manquer la cible: Target prise 1
Les roulements de tambour finirent par céder le pas à l’ouverture officielle, et tant attendue, des magasins Target. J’avais vraiment hâte de découvrir ce qu’était cette chaîne tant prisée des Américains. Je pense que je ne pourrais mieux décrire notre réaction (j’étais allée avec une amie aussi curieuse que moi) que par l’image suivante: pétard mouillé, et mes amis devineraient l’autre image. Jamais dans l’histoire de la consommation n’avions-nous vu deux consommatrices aussi motivées à acheter. Nous avons serpenté toutes les allées pour observer les produits, les prix, la présentation, l’ambiance, tout, je vous dis, tout! J’ai passé quinze minutes dans les vêtements pour dame à me demander si je rêvais devant cet étalage d’insultes à nos goûts vestimentaires. Une démonstration éloquente que les acheteurs nous avaient confondus avec les quétaines du sud, ou pire que nous avions hérité du surplus d’inventaire, non vendu dans les magasins américains. Même Winners ne ferait pas cela à ses clients, et encore, on pardonnerait mieux. Nous sommes sorties avec une chandelle à la cannelle, que nous avons finalement laissée dans notre panier, abandonné aux caisses bondées (il y avait 2 caisses ouvertes?!?!). Nous étions arrivées au même constat: cela ne valait pas le temps investi et que jamais nous n’y retournerions. Sommes-nous les seules? Sûrement pas, il y a un milliard de raisons de le prouver. Comment manquer un premier rendez-vous et penser que nous aurons une seconde chance?
L’art d’échanger la cible: Target prise 2
Ceux qui suivent mon blogue auront sûrement lu les articles sur le showrooming, et particulièrement celui sur le webrooming la semaine dernière. Dans un monde de mimétisme, il m’apparait évident que la saturation des grandes surfaces était déjà là, bien avant l’arrivée de Target sur le territoire de la feuille d’érable. Le phénomène de l’achat en ligne étant déjà un grand cri d’alarme. Il est d’autant plus étonnant que de grandes chaînes investissent encore autant d’argent dans la brique et le mortier. Il me semble que l’occasion était belle pour changer leur modèle d’affaires et profiter de leur entrée – dans un territoire dépourvu d’expérience avec la marque Target – pour en créer une toute nouvelle. Une expérience axée sur la Présence qui aurait permis de redéfinir les attentes des clients, faire le pont entre les outils technologiques et l’espace en magasin. Bref, trouver une niche qui aurait le pouvoir de dériver les clients de Wal-Mart, Sears, Winners et cie. Winners a su le faire, tellement bien d’ailleurs, que c’est dorénavant un rituel pour les femmes d’aller faire des trouvailles le mercredi pendant que les nouveaux vêtements font leur apparition. Les gens sont prêts pour la différence, ils la veulent, la réclament. Je pense sincèrement que les Canadiens ont été insultés par l’offre de Target. Je pense que la décision de mettre un président factice au Canada (rôle de conseiller seulement) n’arrangera en rien le manque de Présence dont je parle. En fait, Target a prouvé hors de tous doutes que le chef de la Présence est plutôt le chef de l’absence!
Je ne parie pas un long règne au Canada, si la direction n’emboîte pas la prémisse de la Présence! (Ils risquent aussi de handicaper l’avenir des magasins aux É.-U.)
Qu’en pensez-vous? Partagez votre expérience et vos suggestions!
Bonne semaine!
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Target, manque de stocks, manque d’ambiance. Jamais on ne voit les dirigeants et pourtant …..
Target nous traite en invites mais où sont les hôtes? C’est tellement clean qu’on a peur de déplacer le peu de stocks qu’ils offrent . Moi je n’y vais jamais😪
Très bons points! C’est rare un magasin où on a peur de déranger les étalages. C’est en effet,très étrange cette ambiance de vide chez Target.
Difficile à corriger… Il faudra un gros coup de barre et un réenlignement majeur.