Au moment d’écrire ce billet, le Canada vient d’élire un gouvernement minoritaire libéral et la carte des résultats électoraux nous montre un pays polarisé autour des enjeux pétroliers et des enjeux d’identité des Québécois qui ne veulent pas d’une fédération qui lui dictera son vivre « ensemble ». Oui, c’est un peu simplifié, mais le propos de mon billet aujourd’hui s’adresse à ceux et celles qui ne savent plus à quel pôle s’accrocher et qui regardent l’avenir avec une inquiétude bien fondée.
Si je me fis à tout ce que j’ai pu lire avant, pendant et après la campagne électorale, je dois admettre que j’aurais évité de voter. À titre de lecteur/trice assidu(e), personne ne sera étonné de ma révolte concernant l’absence des enjeux numériques dans le programme des parties qui loin de s’être résorbée, s’est exacerbée plus que jamais. Dans une ère où la connectivité a complètement sapé le portrait social d’antan avec la vision « tunnel » et la mobidépendance (nomophobie) qui caractérise la plupart d’entre nous, aimanté à nos écrans, comment ne pas s’étonner que nous ayons perdu la vision lointaine. Politiciens, leaders, journalistes et autres influenceurs c’est l’heure du « reality check » ou comment dire… l’heure du réveil a sonné. Diriger, gouverner ou gérer signifie plus que jamais : savoir écouter.
Justin Trudeau dit avoir reçu le message clairement, et qu’il va écouter les Canadiens… Quoi, il était sourd avant? Avouons que peu de leaders savent dire avec humilité ces paroles, mais attendons de voir si ses bottines iront dans le même sens que ses babines. La pression sera forte. Je lui souhaite sincèrement la meilleure des chances, mais surtout le courage de développer certains talents qui lui manquent cruellement pour ce défi titanesque.
La polarisation planétaire des enjeux et des priorités
Qu’ont en commun, la Catalogne, le Brexit, les Gilets jaunes, les révoltes à Hong Kong et au Chili pour ne nommer que celles-ci ? Une profonde scission de la gauche et de la droite, des divergences de vision, de moyens et des lacunes de communication sans précédent. C’est d’ailleurs, le combat des Américains depuis longtemps: ce profond clivage entre la droite et la gauche dirigé actuellement par un président plus à droite qu’adroit.
Oui, tous ces feux démocratiques ont des motifs et des origines différents, mais le point commun est sans l’ombre d’un doute le profond désir de changement ou le profond refus du changement. Qui a tort, qui a raison? Ce billet ne tentera pas de prendre position, rassurez-vous, mais je vais tout de même me permettre d’orienter la réflexion, parce que je suis profondément convaincue que rompre avec le passé est inévitable puisque l’avenir se construit à la vitesse grand V et si nous refusons le TGV du changement, il y aura les feux de la résistance. Tout ça ne sera pas sans conséquence.
Comment gérer une entreprise si les employés et la direction ne partagent pas une vision commune?
À mon avis, c’est la même chose avec un pays. On ne peut pas gagner des élections avec de faibles majorités et prétendre représenter les intérêts de l’ensemble d’un peuple. Je vous épargne les savants calculs, mais si on calcule l’ensemble des citoyens du Canada, c’est à peine 1 personne sur 5 qui a voté pour le gagnant. Et c’est comme ça dans la plupart des pays déchirés en ce moment, des dirigeants qui ont une vision commune avec un suffrage des votes bien en deçà de la majorité absolue. Donc, forcément, il y aura toujours des désaccords. Regardez le Brexit qui déchire le pays entre un pôle et l’autre. Mais je l’ai dit et répété dans ce blogue, si un gouvernement prend des décisions au nom d’un peuple qui engagera soit les générations à venir ou soit des montants qui dépassent un certain seuil, il faudrait trouver un équilibre entre référendum et élections pour cesser de donner le contrôle tous les quatre ans au « moins pire » afin de nous empêcher de tourner en rond. Comment ferons-nous pour avancer si nous n’allons pas dans la même direction? Avancer selon qui? Vers où?
Une vision commune, c’est essentiel…
Les élections canadiennes démontrent avec tristesse que si la vision n’est pas commune, le pays va se déchirer. Imaginez que j’ai vu des images comme celles ici, sur le Wexit (la séparation de l’ouest du Canada…) Non, mais, je rêve! Les fédéralistes ont une peur bleue, pire, une allergie viscérale aux indépendantistes du Québec et certains Canadiens de l’ouest veulent quitter le Canada… ça montre les écarts de vision. Alors nous ne réglerons jamais rien avec des élections dans une telle polarité.
Comment être contre les énergies fossiles si ta famille en dépend?
Comment éviter de te battre pour un pipeline si tu n’as pas de rivages pour transporter tes polluants par bateau?
Comment appuyer des projets polluants si tu veux baisser les GES et prendre la voie du développement durable?
Chacun a raison et tort dans un tel scénario. C’est un dilemme cornélien. Pourtant, il faudrait bien s’assoir ensemble et déterminer la vision de l’avenir si nous voulons avancer ensemble.
Et pendant ce temps…. Les flux migratoires indésirés font monter la droite conservatrice partout dans le monde, et nous serions bien naïfs de ne pas partager leurs inquiétudes. Nul ne souhaite se battre pour son espace de vie et ses valeurs, et surtout se faire dicter comment vivre chez soi. Et si tout ce monde avait juste envie de rester à la maison au lieu de partir vers un avenir incertain au péril de leur vie? Contrairement aux pays européens aux prises avec ces problèmes de flux migratoires incontrôlables, notre pays est grand certes, et très accueillant. Nous avons aussi besoin des immigrants. Mais l’immigration bien gérée est un grand bénéfice pour une société qui sait les intégrer et l’inverse attise les peurs. Les guerres ont été d’abord des conquêtes de territoires, et aujourd’hui la virtualité des écosystèmes remet tout en question. Dans l’esprit du citoyen du monde, certains revendiquent la liberté de vivre là où ils le souhaitent et installer leur chez soi ailleurs. Les « vivre ensemble » sont primordiaux pour réussir ces défis migratoires. La gauche, comme la droite, doivent apprendre les uns des autres afin de préserver l’équilibre de la planète. Nous sommes des humains avant tout. Le repli sur soi-même est une tendance mondiale et je ne vois pas la fin de ce cycle aussi désolant que dramatique. Mais encore… où allons-nous?
Les arbres cachent vraiment la forêt
Je suis transparente, je voulais un gouvernement minoritaire pour forcer les discussions et ralentir les dégâts causés par des visions aussi limpides que des marres de boue, et à choisir entre le conservatisme ou le libéralisme… disons que le choix était facile pour une femme tournée vers les libertés individuelles, mais la question demeure entière : quelle est la vision commune? Qu’est-ce qui nous rassemble après avoir constaté que nous sommes divisés?
Le vent « vert » de Greta a attisé les braises de la discorde sur les enjeux écologiques entre les provinces pétrolières et les métropoles du pays. Mais, cette bise a surtout balayé les enjeux à caractère numérique encore une fois. Pendant que Google annonce fièrement l’exploit de son ordinateur quantique qui calcule en moins de 4 minutes ce que les ordinateurs « ordinaires » prendraient 10 000 ans à calculer; que Zuckerberg se bat pour la monnaie « Libra » devant le Congrès américain; que l’intelligence artificielle nous concocte déjà notre rétrogradation annoncée d’intelligence humaine, l’analogie avec notre intelligence actuelle comparée à celle de l’homme de Néandertal me passe par la tête; que la sécurité numérique et notre vie privée n’ont jamais été aussi menacées; que des industries tombent sous le poids des Goliaths du GAFAM; pendant ce temps on parlait d’avortement, de « black face », de contester la loi 21 sur la laïcité et les tribunes alimentaient des débats stériles sur la réduction des gaz à effet de serre puisque la moitié s’accroche au passé et l’autre vit une écoanxiété sans précédent. Il s’en va où notre futur si nos dirigeants ne saisissent pas les enjeux qui sont énormes en regard de l’encadrement des technologies qui dictent déjà notre monde? Sérieusement, je suis abasourdie. (voir billet de 2018 sur ce sujet… incroyable)
Il ne se passe pas une journée sans que je sois témoin dans mes lectures, d’une percée qui remet tout en question dans notre manière de vivre. Le 5G (débit de données sur les réseaux cellulaires) nous donne déjà des frissons à voir les études et mises en garde sur les effets nocifs sur notre santé. Qui s’en soucie en ce moment? Lorsque les impératifs économiques nous dicteront encore une fois la dérive à emprunter, il sera trop tard pour faire marche arrière. Notre dérive numérique est un véritable tournant de notre évolution dans un monde où le vrai pétrole est devenu nos réseaux de fibres optiques et les flux de données de toutes sources. Et nous nous obstinons à maintenir les sables bitumineux devenus de véritables sables mouvants. L’Alberta est déjà à genoux économiquement, mais quel avenir pour le pétrole à l’heure des choix écologiques? Même en étant protecteur et optimiste, c’est une industrie en voie d’extinction, seule la date est inconnue. Pendant ce temps, nous détournons le regard sur le futur que nous prépare le GAFAM. L’inquiétude est bien fondée.
Proposition en toute humilité à Justin et aux hommes de pouvoir
Arrêtez de fonctionner au son des insatisfactions du moment, et apprenez l’art de la prospective et de la Présence. Soyez ces leaders qui savent écoutez certes, mais qui savent inspirer et mobiliser ceux et celles qui placent leur confiance en vous. Si vous hypothéquez le futur des générations, ayez des raisons que vous pourrez expliquer en les regardant droit dans les yeux dans 10 ou 20 ans ou abstenez-vous. Parce que nous n’avons jamais eu tant besoin de leadership visionnaire et mobilisateur en ces périodes d’extrême polarisation idéologique, et ce partout dans le monde. Nul pays n’y échappe. Le monde hyperconnecté a renversé l’ordre établi et plus jamais les choses ne seront comme le passé. Personne ne souhaite se rebeller pour le simple plaisir de le faire, chacun cherche la paix fondamentalement. Mais soyons réalistes, le temps des dictateurs et des leaders sourds d’oreille, et surtout de cœur est terminé. Nous arrivons à une croisée de chemin… rompre avec un passé …dépassé… ou embrasser un futur à construire selon nos convictions et nos valeurs avec des chefs de la Présence.
À titre d’exemple d’un manque total de leadership et de vision, comment avons-nous pu laisser filer des milliards de dollars en taxes et impôts au détriment des Canadiens en évitant de taxer le GAFAM? Notre dette serait déjà payée et nos industries renflouées pour lutter à armes égales. Nous voulons des leaders avec des yeux en avant de la tête et non dans le dos… nous voulons des leaders proactifs et non réactifs.
En terminant, je dirais que toutes les transitions font mal et, quel que soit le type de rupture, les temps d’adaptation vers un nouveau futur dérangent notre confort. Mais si nous arrivons à travailler vers une vision commune, alors là tout devient possible aux hommes et aux femmes de bonne volonté!
Et toi qui me demande chaque fois, que puis-je faire? Éveille les consciences de tes réseaux à chaque occasion, partage tes réflexions et ce billet… pose tes questions à ton député… les leaders mettent toujours les priorités là où sont les votes.
Tic tac, le temps file… À go, on partage! 😉
3 commentaires sur « La polarisation du monde : tic tac… le temps file! »