Cela fait une éternité que je n’ai pas écrit un billet. Ce n’est pas tant le manque d’inspiration ou le manque de temps, mais bien un certain découragement sur notre façon de consommer les informations. Une espèce de lassitude sur la nature humaine, et moins humaine.
Aujourd’hui, je suis plus occupée que jamais à servir mes clients et me concentrer sur mes projets, mais je tiens à faire une petite sortie avant la grande période de vacances où chacun cherchera l’oasis du bonheur le temps d’une pause. Peut-être plus un billet de réflexion sociale qu’entrepreneuriale, mais clairement collective.
Un voyage dans le temps
Tout comme vous, je suis l’actualité (du moins, ce que je choisis de consommer… tout comme vous aussi 😉). Difficile de rester insensible à ce monde chaotique qui semble vouloir nous ramener 50 ans en arrière.
- La guerre en Ukraine et le profond déséquilibre des marchés qui nous causent bien des soucis d’approvisionnement et nous rappellent la 2e guerre mondiale;
- de l’inflation comme jamais qui nous rappelle les récessions précédentes;
- le prix du carburant qui bat tous les records;
- la récente décision de la Cour Suprême des États-Unis de renverser le droit à l’avortement qui ramène les femmes dans une position de soumission et citoyenne de second ordre;
- l’ère de la droite conservatrice qui empeste comme un vieux parfum Old Spice oublié dans une pharmacie;
- et chaque jour nous entendons et voyons comment le monde rétrograde de manière alarmante.
De mon côté, j’ai passé ma carrière à imaginer et créer le futur que je souhaitais afin d’améliorer les perspectives de chaque humain et particulièrement celles des femmes. J’ai été aussi une fervente pionnière et défricheuse du monde numérique dès les premiers instants. Aujourd’hui, je m’inquiète de sa dérive.
À ma façon, je me suis investie à outiller les femmes à réussir en affaires, à les soutenir dans leurs projets, à les encourager à la moindre occasion et aussi à parler haut et fort des vertus du capitalisme rose.
Récemment, cette posture sociale tout à fait en cohérence avec mes valeurs m’a attiré les foudres d’un spécimen du chromosome « y » qui croit dur comme fer que j’ai les mâchoires serrées sur un os – ici la récente décision des É.-U. de renverser le droit fondamental à l’avortement – et que mes publications clairement en opposition avec cette décision sont en fait une hargne contre les hommes. Nous voyons ici toute la profondeur du clivage qui s’opère dans notre société. Bouche bée.
Si défendre une position claire comme le droit de gérer notre corps est perçu comme une sortie contre les hommes, je me demande sincèrement où allons-nous? Tout droit dans le passé, comme dans une machine à traverser le temps!
Un été chaud avant les élections
Ce même représentant mâle, spécimen du complotiste sans complexe, criait sur tous les murs des réseaux sociaux avant la prise du pouvoir de la CAQ, votez « Legault ».
Aujourd’hui, il utilise le même porte-voix pour parler à « François » ou « Frank » (dépendant de l’heure de la publication) en le traitant de tous les noms pendant et après la pandémie. Aujourd’hui, il dit clairement ne plus vouloir le voir au pouvoir. Sa hargne et sa colère représentent tous les complotistes du Québec prêts à voter pour Éric Duhaime. Et vous savez quoi? Les BBQ cet été seront chauds si nous laissons entrer ces discussions clivantes pendant que nous aurons les dents sur les os de poulet et pour les plus chanceux, les os du T-bone.
Mais comment en arrive-t-on à ces niveaux de clivage dans notre société? Difficile ne pas être préoccupé lorsque des opinions articulées et documentées ne sont plus crédibles aux côtés des « fakes news » et que le relais des algorithmes de l’ignorance alimente les feux de la discorde.
J’ai des centaines d’ami.e.s Facebook et seulement une vingtaine participent et voient mes publications. C’est ça le problème, un cercle vicieux qui alimente la chambre de l’écho avec les seuls paramètres du GAFAM qui nous confortent dans nos positions légitimes ou illégitimes.
Tout le monde le sait maintenant. Ce n’est même plus un secret et pourtant nous continuons de nous laisser dominer par ces foutus algorithmes de l’ignorance. Nous n’avons pas de contrôle, du moins volontaire. Ce matin, j’ai vu une « story » d’une personne dont j’ai mentionné le nom hier soir. Un hasard? Bien sûr que non! Rien vu depuis des lunes de cette personne et soudain, magie, une publication apparaît!!!
La fête du Canada
Et le lien avec mon titre? Le voici. Nos deux longs week-ends qui marquent le début des vacances se succèdent entre fête nationale et déménagements. Pour les fervents fédéralistes, la fête du Canada est un moment de pures joies, pour les autres un moment de faire maison nette ou de lever les voiles faute de lever le voile. Nous avons maintenant les fervents du nationalisme réchauffé (un Québec fort dans un Canada fort) qui fièrement fêtent le 24 juin et brandissent le drapeau du Canada le 1er juillet. Là, où il y a de la fête, il y aura toujours des fêtards.
N’allez surtout pas croire que je suis contre le Canada, bien au contraire, ni contre les hommes d’ailleurs. Je suis simplement une Québécoise francophone avant tout. Mais je suis fière d’être une femme canadienne-française lorsque je suis à l’étranger. Mais être étrangère dans mon propre pays, par contre, ça je n’aime pas du tout. Me battre pour être servie en français m’épuise, donc je sors la langue de Shakespeare pour épargner mes oreilles dans le meilleur des cas. Je m’adapte… un peu trop parfois.
Je ne voudrais surtout pas vivre aux É.-U. et vivre leurs divisions actuelles. Voir comment le clown orange a transformé ce pays en moins de cinq ans, nous rappelle que nous pourrions en arriver là aussi.
Souvenons-nous de la prise d’otage d’Ottawa par le convoi de la « libarté » des camionneurs. Nous avons été la risée de tout le monde entier. La liberté ici est intouchable. C’est notre 1er amendement à nous. Tous ont droit de foutre le bordel au nom de leur liberté et de ne pas payer la facture des pots cassés.
Tous n’ont pas droit à un passeport dans un délai normal, mais c’est une autre histoire. Un beau pays qui a des systèmes un peu en retard sur le monde qui évolue autour.
Sinon, le Canada est vraiment la terre de nos aïeux, celle qui a été défrichée par les Bédard, Tremblay, Gagnon, Bouchard, Rivard, Roy, etc., et occupée par les Smith, Johnson, Pearson, Molson, Kruger, Scott, Miller, Price, etc.
Notre héritage canadien-français en est un de rébellions, syndicalisme, revendications, luttes pour notre langue, luttes contre la mainmise de l’église, luttes contre la pauvreté, luttes pour le droit des femmes à exister, luttes pour tous nos droits fondamentaux et nous continuons à nous faire provoquer par des Michael Rousseau de ce monde qui non seulement ont l’héritage purement francophone dans le sang, mais en ont même oublié leur langue au point de la dénigrer. Pour dire que la terre de nos aïeux est bien en jachère, et ce, depuis trop longtemps.
Est-ce que je voudrais vivre ailleurs? Bien sûr que non, même si je n’ai qu’une seule envie, disparaître dans le sud l’hiver (et j’ai mon passeport 😊). Par contre, je sais que nous avons de nombreux défis devant nous et que les luttes sont loin d’être terminées.
Le Canada est déjà une succursale des É.-U. qui a cédé une bonne partie de son économie aux géants numériques. Mais si nous laissons des « trumpistes » nous ramener 50 ans en arrière, nous pourrions bien imiter nos voisins au sud de la frontière dans des changements de lois du type « retour en arrière ».
C’est le Canada qui devrait changer sa devise pour « je me souviens ». Nos ancêtres ont défriché ce pays, travaillé comme ouvriers sous-payés pour les riches anglophones.
Aujourd’hui, même si le rêve d’indépendance est mort sur le bûcher du nationalisme, il faudra bien comprendre un jour que chaque bataille pour prendre du contrôle sur notre immigration et notre langue et bien d’autres encore, doit cesser de tourner systématiquement en division : eux contre nous, ou nous, contre eux!
Ce pays est bicéphale et au-delà de la feuille d’érable ou de la fleur de lys, il y a des racines bien profondes qui ne doivent jamais être oubliées. Nous sommes deux peuples fondateurs et nous reconnaissons maintenant les peuples autochtones qui ont les racines encore plus profondes. La terre ancestrale de leurs aïeux est la terre de nos aïeux, mais je ne crois pas que les paroles de notre hymne national n’aient été jamais comprises en ce sens… elles n’ont même pas été comprises dans notre sens.
Haut Canada! Je pense que c’était plus ça le sens de notre hymne national!
Et l’avenir, où allons-nous maintenant?
Là est toute la question! Pendant que nous nous déchirons sur des sujets polarisants jour après jour, nous n’avons aucun projet de société concret à part un 3e lien, un REM et des voitures électriques. Quel est l’avenir de notre société qui évolue dans une marée montante d’intérêts étrangers?
Comment allons-nous éviter à l’avenir de rater tous les bateaux qui se pointent aux ports pendant que les attendons à l’aéroport? Il y a des tonnes d’enjeux cruciaux avec l’intelligence artificielle, les robots, la réalité 3D, les règles du commerce électronique, la protection des droits d’auteurs, les enjeux de vie privée, les dangers de la 5G, l’état de la planète, la pénurie de main-d’œuvre, les retards en santé et en éducation et comme si ce n’était pas assez, l’inflation qui mettra bien des familles dans un état de précarité inquiétant.
Si nous voulons avancer, il va falloir commencer à ramer tous dans le même sens. Et ramer dans le même sens ne veut pas dire être asservis, soumis, stupides, moutons, imbéciles, incrédules, lobotomisés ou autres sobriquets dégradants utilisés par les complotistes. Je préfère penser que la nature humaine est intelligente et munie d’une ouverture d’esprit suffisante pour respecter les autres. C’est le pari que je fais, malgré les pronostics négatifs en ce sens.
Réveillons le meilleur en chacun de nous pour en finir avec cette période sombre de notre histoire!
Que le bon sens gagne et j’oserais dire l’amour des autres! Surtout vaincre la peur de l’autre qui ne pense pas comme nous si c’est pour avancer bien sûr et évoluer!
Je ne sais pas trop quoi fêter, mais je fêterai l’espoir que nous trouvions la prise pour brancher la conscience collective. Aussi la gratitude de vivre dans un pays imparfait, mais où la liberté n’est pas une « fake news ».
Bon été et je continuerai à ma façon de contribuer à cette recherche d’évolution!

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