Le civisme et l’engagement citoyen à l’ère numérique

Il ne se passe pas une seule journée où notre Nouveau Monde « branché » nous prouve à quel point nous sommes déconnectés. Peut-être l’avons-nous toujours été? Mais à une époque où les médias avaient la parole aux côtés des politiciens, des syndicats, des artistes et des graffiteurs, le peuple s’exprimait seulement aux urnes ou dans le courrier du lecteur bien trié et délavé pour appuyer les propos dudit média diffuseur. C’était la démocratie de l’époque, et ce bien avant le numérique. Et si l’histoire nous appris une chose, c’est bien que chaque révolution a été menée par ce désir d’être entendu haut et fort par des gens qu’on n’écoutait pas.

La loi des grands nombres était la seule voie qui primait sur les décisions. Les minorités visibles, audibles ou non identifiables n’avaient guère de chance de prendre leur place dans un monde mené par des voix convergentes qui avaient le pouvoir du dire et de faire ou ne pas faire. Est-il nécessaire de rappeler que les femmes étaient une majorité traitée comme une minorité visible?

Remplacer « Droits et privilèges » par « Responsabilités et devoirs »

Dans une société qui se targue de favoriser la démocratie et de s’occuper des plus démunis et des minorités, il y a une véritable brume sur le concept de la liberté de parole et de préséance des droits individuels versus les droits collectifs à l’ère numérique. Nous sommes tous témoins à un moment ou un autre de commentaires disgracieux, discriminants ou haineux dans la sphère sociale. Parfois, lorsqu’un ami exprime son point de vue dans un souper privé, nous pouvons amorcer un débat si le commentaire heurte nos convictions. Nous restons civilisés, et si cet ami est un véritable raciste, homophobe ou sexiste, nous avons le choix de mettre fin à cette relation ou l’aider à voir les choses autrement. Et sans aller trop loin, pensons au débat entourant les « pitbulls » et les chiens d’attaque; comment polariser un débat même avec ses amis proches? Devons-nous être impolis pour autant devant nos positions opposées?

Mais lorsque le débat prend vie dans un fil de commentaires Facebook et cie et que nous commençons à nous battre à coup de tweets et de publications peu éloquentes, qui tire la limite entre liberté d’expression et civisme? Combien de personnalités publiques vivent de véritables calvaires à l’ère numérique au point d’en faire des dépressions? C’est hallucinant. Quoique certains personnages méritent un peu leur sort, insulter qui que ce soit, en particulier des personnes aux idées rétrogrades ne font que nourrir l’animosité. Les médias sociaux sont devenus une véritable arène pour mener des combats en apparence à armes égales. Le tribunal public est impitoyable et croyez-moi l’idée de faire de la politique me fuit aussi vite arrivée lorsque je constate le niveau pitoyable, voire préoccupant, de notre civisme collectif.

À quand des cours de civisme à l’ère où la liberté d’expression a perdu le nord? Une ère où un agresseur, un pédophile, un macho, un inculte, un raciste, un homophobe ou un sexiste et j’en passe peut faire autant de dégâts qu’une bombe sur la vie d’une personne? Nous devons suivre un cours de conduite pour avoir un permis de conduire et nous donnons les clés à tout le monde pour conduire un bolide nommé «liberté d’expression» dans le TGV de l’Internet? Au moment de terminer cet article, voilà un article qui sort dans la Presse sous la plume de Marie-Ève Morasse intitulée : L’auto-défense numérique s’amène à l’école!  Ces ateliers d’«autodéfense numérique» seront offerts à plus grande échelle dans les écoles à compter de septembre. Financés grâce à une bourse qui permet à de jeunes Montréalais de créer un projet d’« engagement citoyen ». Voilà qui tombe à pic comme thématique! Bravo!

Je suis désolée, mais je veux bien les droits et les privilèges pour nos enfants et les citoyens dans notre belle société capitaliste où tous réclament une part du gâteau avec le minimum d’efforts, mais à quand une société qui va s’assurer de faire naître des enfants, et encadrer les citoyens, avec des responsabilités et des devoirs. Nos jeunes apprennent à exiger avant de donner, et les citoyens ont appris à se plaindre avant de se responsabiliser. Rien n’indique que cette tendance s’arrêtera. Mais si tout le monde faisait un geste concret aujourd’hui? Et si chacun tentait l’effort d’améliorer sa Présence que j’aborde ici depuis mes débuts, pour élever le niveau de conscience collective?

Nous sommes plusieurs à se préoccuper de la dérive sociale à l’ère numérique et ce retour de balancier commence à la maison, à l’école et avec notre vigilance collective. Les Africains ont un proverbe pour ça : « Il faut un village pour élever un enfant! ». J’aurais le goût de dire : « Il faut une communauté pour guider nos enfants ». Nos amis Français apprennent très tôt le plaisir de débattre de façon civilisée. Des joutes oratoires qui élèvent le débat c’est bien, mais des batailles de ruelles avec des fiers à bras virtuels, c’est rustre et inapproprié. Apprenons à discuter quelle que soit l’arène du débat.

Petit guide pour la liberté de dénoncer la liberté d’expression abusive

J’aimerais vous partager des petits trucs pour vous aider à changer le cours des choses. Je me suis inspirée d’une campagne en cours actuellement contre l’homophobie. Les concepteurs ont eu l’idée de reprendre des tweets et commentaires véridiques dans les médias sociaux pour les imprimer sur des affiches géantes. Vous pouvez visionner le résultat ici. Ce qui étonne, c’est la virulence de la réaction des gens en voyant ces insultes en grosses lettres. La police a dû intervenir. Je dis «étonne» parce que les gens civilisés qui lisaient ça dans l’espace public, voyaient bien que c’était de la provocation inacceptable et de la pure méchanceté pour engendrer et nourrir de la violence. Il fallait intervenir et faire enlever ces affiches haineuses. Le point de la campagne était justement de dénoncer la cyberviolence et l’intimidation contre les homosexuels particulièrement dans les médias sociaux. Cette campagne donne les instructions claires pour affirmer votre révolte et votre indignation dans les médias sociaux, comme un être civilisé le fait pour des affiches imprimées et placardées dans l’espace public.

J’ai eu envie de faire la même chose. Un petit guide pour être un citoyen civilisé qui agit et fait sa part pour changer les choses inacceptables. Un citoyen qui veille à l’harmonie qu’elle soit réelle ou virtuelle, car dans les deux cas, des groupes ou des individus en souffrent si elle n’est pas là. Ne soyons pas complices par notre inaction, notre silence et notre passivité. Ici le silence est d’argent et la parole est d’or!

Étape 1 – Une publication ou un commentaire inapproprié vous heurte la conscience?

D’abord, sachez que les réseaux sociaux ont érigé des remparts contre la bêtise humaine. Il faut simplement apprendre à s’en servir. Et je vous incite à le faire sans hésitation et à montrer à d’autres à le faire (partagez ce billet ou gardez une copie de l’image ci-bas). Je parle ici de Facebook et Twitter, mais le principe est le même avec tous les réseaux sociaux. Sachez aussi que votre dénonciation est totalement anonyme et que c’est la force du nombre qui aide à faire retirer un commentaire. Alors, faites jouer la démocratie en faveur du bien.

INSTRUCTIONS FACEBOOK

Le principe est le même dans tous les réseaux sociaux. En général, en cliquant sur un commentaire, ou en cliquant sur les points de suspension « … », un menu apparaît et vous conduit vers une cascade de choix assez explicites. Il suffit de le faire une fois pour en comprendre la facilité d’usage. D’ailleurs, vous pouvez aussi mettre des filtres pour cesser de voir des publications similaires, des publicités ou des publications de certains amis obsédés par des sujets qui vous dérangent.

Comment signaler des publications ou commentaires haineux

INSTRUCTIONS TWITTER

signaler un tweet

ÉTAPE 2 – APRÈS AVOIR FAIT CE GESTE DE DÉNONCIATION, INCITEZ LES AUTRES SUR LA PAGE À FAIRE DE MÊME

Il serait opportun, selon l’ampleur de l’offense en potentielles conséquences néfastes, que vous alliez jusqu’au bout de votre pensée et n’hésitiez pas à encourager les autres à faire de même. Surtout ceux qui ont entamé une joute de commentaires et une escalade qui mènent nulle part. Évidemment, cela peut être à visage découvert ou en privé si vous êtes en relation avec ces personnes.

ÉTAPE 3 – APRÈS TOUT ÇA, ÉCRIVEZ AU PROPRIÉTAIRE DE LA PAGE OÙ LE COMMENTAIRE A ÉTÉ VU OU CESSEZ DE SUIVRE LADITE PAGE.

Après avoir complété les deux étapes précédentes, n’hésitez pas à faire part de votre indignation aux administrateurs/propriétaires de ladite page où la haine est affichée. Ils ont le pouvoir de masquer des commentaires et les supprimer. Ils ont aussi le devoir de modérer les discussions et éviter de prendre à leur profit les dérives de commentaires (ici plus l’activité est grande et plus leur publication est vue). La liberté d’expression devrait être un droit qui vient avec des responsabilités, forcez-les à mettre des limites et des balises claires. Il suffit de repérer dans la section « À propos » le bouton « signaler des modifications ».

La réglementation préventive affiche ses couleurs!

reconnaissance facialeAprès le civisme du citoyen, voici venue l’heure de l’engagement citoyen. Avec les médias sociaux, que nous maîtrisons encore très mal à titre de citoyen, arrive l’intelligence artificielle. Si vous suivez mon blogue, vous savez à quel point je soulève les dérives potentielles et que j’incite à la gouvernance absolue pour protéger les droits individuels et l’avenir collectif. Alors je donne la palme d’or à la ville de San Francisco qui a pris la décision d’interdire la reconnaissance faciale sur son territoire. L’article complet ici. Et une version du New York Times ici. Évidemment, les forces policières et tous les organismes chargés de la protection civile hurlent à qui veut bien l’entendre que ce n’est pas une bonne idée. Je ne sais pas pour vous, mais je regarde beaucoup de films de science-fiction et des films d’espionnage ou des séries policières et il me semble déjà que ces derniers soient très bien équipés pour faire face aux crimes. Les policiers du Québec veulent aussi leur arsenal de surveillance électronique pour affronter la cybercriminalité.

Si vous me dites de façon claire et limpide que tout cet argent à investir dans les technologies de surveillance va vraiment nous protéger, je dis d’accord. Mais qui va baliser les limites de l’usage de ces technologies « invasives ». À quel point, la liberté des uns devient-elle moins importante que la liberté des autres? C’est un sacré débat de société. Si nous suivons la logique de Trump, nous allons vivre dans une société inspirée du film 1984, et franchement c’est très facile à imaginer au rythme où vont les choses. Déjà, nous reculons sur les droits des femmes à gérer leur utérus, imaginez ce contrôle de paranoïaques! Une mainmise sur nos libertés individuelles au nom de la sécurité collective.

Le plus utopique, c’est que ces technologies de sécurité ne nous protégeront jamais des plus grands escrocs et fraudeurs à cols blancs, car ils géreront les caméras. Sans compter, que les gouvernements sont toujours un pas derrière les pirates informatiques qui seront les premiers à bénéficier de ces belles technologies pour le compte du crime. Il faut donc y penser urgemment et maintenant. Demain, il sera trop tard.

San Francisco a toujours été un précurseur des droits et libertés individuelles et de l’environnement. Cette décision prouve mes inquiétudes. Allons-nous attendre d’être en réaction comme nous l’avons fait pour UBER, AirBnB, Amazon, Netflix et compagnie pour agir et mettre en place des réglementations préventives? Le grand sociologue Guy Rocher faisait état d’un principe de précaution nécessaire dans une société, faute de données scientifiques ou empiriques sur les conséquences d’un phénomène non documentées, je ne saurais être plus en accord avec lui. Précaution, prévention et prudence devraient guider nos décisions. D’ailleurs si vous lisez cet autre article : « Tous surhumains demains »  vous pourrez constater que nous sommes déjà bien entrés dans la nouvelle réalité invasive des technologies. Il y a des limites dépassées en ce moment.

Faites entendre vos voix et faites de l’enjeu numérique une préoccupation aussi importante que l’enjeu environnemental… c’est notre avenir!

Alors citoyen, à vos libertés de dénoncer et vos responsabilités d’agir!

PS Très heureuse aussi de constater que d’autres lanceurs d’alerte s’y mettent. Voir cet article: Réglementation de l’intelligence artificielle: le Canada à la traîne

 

Blogue La Présence des idées

3 commentaires sur « Le civisme et l’engagement citoyen à l’ère numérique »

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