Le marketing inclusif et le langage épicène

D’abord, positionnons cet article dans un contexte bien précis sur un sujet « épineux ». Je dis épineux, car à deux reprises j’ai participé à une discussion à la suite d’une publication dont le sujet abordait la question du l’écriture épicène. Il y a un véritable débat émotif autour de cette question. Et pour cause, les enjeux soulevés sont à géométrie variable.

D’ailleurs, petite mise à jour post publication en date du 12 octobre 2022, 32 linguistes s’expriment sur le fait qu’ils considèrent l’écriture inclusive, une écriture « excluante« . Pour dire que cette question est loin d’être banale et qu’elle suscite beaucoup d’émotions.

Définissons l’écriture non genrée pour accélérer la compréhension.

Selon Wikipedia, voici en résumé la définition :

Le langage épicène, la rédaction épicène, la rédaction non sexiste (employé surtout en Suisse , la parité linguistique (suivant le principe de parité entre les femmes et les hommes), le langage neutre, l’écriture inclusive et le langage non sexiste ou mégenré désignent différentes règles et pratiques qui cherchent à éviter toute discrimination sexiste par le langage ou l’écriture. Cela se fait à travers le choix des mots, la syntaxe, la grammaire ou la typographie.

Donc en résumé, il s’agit d’une forme d’écriture qui évite la définition d’un genre. Plus précisément, une écriture inclusive a comme principal objectif de ne mettre personne à l’écart dans le propos et particulièrement les femmes qui ont été évacuées de la langue française à son origine. En lisant, nous n’avons aucune image qui surgit à la tête, c’est tout le monde et personne; un humain point. Pour prendre une analogie, l’écriture épicène, c’est le chandail unisexe du langage. La fameuse règle qui dictait que le masculin l’emporte sur le féminin est donc dorénavant : personne ne l’emporte et tout le monde gagne! Vraiment?

Une nouvelle société inclusive

Il faut saluer l’effort de corriger des siècles de discrimination. La langue de Molière a toujours été sexiste envers le genre féminin. Shakespeare n’a pas eu le même problème avec son absence de genre. Il faut voir un anglophone se demander si une table c’est féminin ou masculin?! Bref! Les genres ont toujours causé beaucoup de soucis dans notre belle langue. Certains étudiants au niveau universitaire peinent encore à accorder les genres, les verbes et les règles de grammaire.

Pour cette raison, au fil des ans, la langue est révisée et nivelée vers le bas la plupart du temps. La réforme de la langue française en 1990 a créé un deuxième niveau de langue, la langue populaire aux côtés de la langue des poètes. Ainsi, mêlez-vous de vos ognons est parfaitement acceptable, sentir les lis au lieu des lys, prendre une pause sur un nénufar plutôt qu’un nénuphar, etc. La fameuse règle du pluriel avec les chevals au lieu des chevaux semble être une fable après recherches.😉. Les linguistes qualifient ces changements d’évolution de la langue, autre débat. Clairement que nous ne voudrions pas être au français du 5e siècle, mais attachez votre tuque pour le français du 21e siècle.

Si une langue est vivante, une langue comporte aussi ses règles élémentaires. Alors, il semble que nous soyons dans la catégorie des « vieux » si ces régressions nommées ici « évolution » nous agacent. Si vous êtes comme moi, bienvenue dans le club des « vieilles croûtes ». Pourtant, la grammaire et grand-mère ont une sonorité similaire. Hasard? Passons. 😉

Je dois cependant admettre qu’en tant que femme, notre langue m’a souvent déçue. Il y a deux mille ans que nous aurions dû avoir un langage non sexiste, une langue inclusive pour les femmes. Lorsque je soumettais mon CV à la fin de mes études, il m’est arrivé souvent d’avoir l’envie de changer mon nom pour Sylvain dans l’espoir d’avoir de meilleures chances d’obtenir une entrevue d’embauche. Le langage épicène aurait sûrement facilité les choses à de nombreuses reprises, si tant est que le choix des mots ait été totalement « mégenré » afin d’éviter la discrimination à la source.

Je suis donc du combat. Ne vous méprenez pas. Oui, le langage a besoin d’un coup de fouet pour s’adapter à la réalité de l’égalité des sexes. À ce combat s’ajoute aussi celui des personnes non genrées ou agenrées qui ne veulent pas être classées selon une binarité de genre. Donc, il n’y a pas à dire, le besoin de mettre de l’égalité de genres trouve de nombreuses justifications dans le langage épicène. Je ne questionne pas ça pour les fins de mon propos ici.

Il faut s’adapter tout comme le langage doit le faire, tout comme la société également. Et que dire du marketing qui non seulement doit suivre les mouvements de société, mais très souvent les initier et en être l’influenceur. Donc, impossible dans ma profession d’ignorer cette réalité qui nous rattrape si nous l’ignorons. Le marketing inclusif c’est bien plus que le langage évidemment, c’est aussi le support visuel qui soulève les questions raciales, l’homosexualité et/ou les handicaps également. C’est le marketing adapté à la diversité. C’est le branding des marques et des produits qui sont revus et corrigés comme le décès de Monsieur Patate qui a fait tant jaser.

C’est l’ultime incarnation de notre Présence qui est mon cheval de bataille depuis plus d’une décennie. Mais ici, restons concentrés sur le langage et l’écriture.

Mais par quel bout prendre tout ça?

Disons que cet article a commencé par cette question dans ma tête. Je suis très préoccupée par les conséquences de cette réalité dans mon travail quotidien. Et je dois dire que les applications concrètes sont franchement complexes et particulièrement dans une grammaire qui surprend. Un exemple : tous et toutes qui deviennent « toustes »… j’en perds mon latin… oups mon français! J’arrête ici, mais je vous soumets quelques liens pour vous gaver de cette complexité sans retenues.

Les linguistes se posent en ardents défenseurs de cette nouvelle réalité et pour cause, ils en ont pour des années à être sollicités à titre d’experts en la matière. Le discours de l’évolution de la langue est servi envers et contre tous ceux et celles (toustes celleux – oui, oui, pour vrai!!!) qui s’élèvent contre cette complexité non seulement difficile à lire, mais à écrire.

Encore une fois, ne me jetez pas les pierres, mais avouez que notre langue est déjà infiniment complexe et difficile à maîtriser. J’ai mal pour les étudiants qui seront soumis à un test de français dans les années à venir. Déjà que des étudiants en communications de niveau maîtrise peinent à accorder « tous les » (oui! Oui! Cas vécu). Pour ma part, j’adore ma langue et j’essaie d’en faire un bon usage et je m’y perds, c’est tout dire. Évidemment, la quête féministe et la quête LGBTQ2 ont des motivations convergentes, mais un peu différentes, j’imagine que cela explique les nombreuses culbutes linguistiques. Certaines mentions dans les guides font la distinction entre suggestions et reconnaissance des autorités linguistiques. En passant, le « 2 » dans LGBTQ2 signifie « 2 esprits » qui nous rappelle que la culture autochtone a compris aussi cette notion depuis longtemps : deux esprits dans un seul corps = un humain non genré. Cela ne veut pas dire pour autant que l’ensemble des humains ne se définissent pas dans un sexe ou l’autre. L’inclusion ne doit pas évacuée cette notion.

Mon humble pronostic

S’il y a une chose que j’ai apprise à force d’être en avant de la vague et d’être pionnière à chaque changement majeur des dernières décennies, notamment avec l’informatique, le marketing à l’ère numérique, les médias sociaux, le référencement et j’arrête ici, c’est bien que tout le monde fini par s’adapter, même ceux qui résistent.

Un jour ou l’autre, les changements ne sont plus des changements, ils deviennent une norme sociale. Ce qui semble être le cas pour la rédaction épicène dans les sphères élitistes et influentes. C’est devenu de la politique en fait. C’est « in » et de son temps. La langue est une arme culturelle et un excellent vecteur pour nommer clairement les choses qui dérangent. Mais mon inquiétude dans cette volonté de vouloir rendre notre écriture inclusive est définitivement plus dans l’invention des mots qui n’ont aucun sens, ni pour la femme ni pour l’homme. En fait, on se demande qui est inclus à la fin.

Sans faire une Mathieu Bock-Côté sur le sujet, je dois dire qui trop embrasse, mal étreint. Il faudra tout de même se rappeler que l’intention dans l’écriture doit transcender les mots. Que l’intention d’inclusion ne nécessite pas nécessairement de déconstruire la langue pour tenter d’en construire une nouvelle. Que des règles intelligentes qui atteignent ces objectifs sans toutefois aller dans le « iel ou ille » pour dire il ou elle sont possibles dans le cadre grammatical et lexical actuel.

Selon moi, à la fin nous ne parlons à personne en iel ou ille, ni à elle, ni à lui. À ce niveau de la déformation, nous pourrions même parler d’une écriture déroutante; celle qui est réservée à une élite qui se comprend en elleux ou euxes pour eux et elles. D’ailleurs, qui décide de ces règles qui ne semblent pas uniques selon les différents guides. Ce « elleux ou euxes » est un bon exemple qui prouve qu’il ne semble pas y avoir consensus entre euxes!!! Ouf! Dire que nous voulons sauver la langue française avec les jeunes, j’ai peur pour l’avenir. L’anglais est si simple, il deviendra de plus en plus tentant.

Peut-être qu’un jour cet article semblera sorti tout droit d’un livre d’histoire. D’ici là, je pense que nous avons bien des croûtes à manger pour maîtriser ces nouvelles culbutes linguistiques. Des deuils aussi à faire de notre belle langue telle que nous l’avons apprise. Déjà, je ne sais pas si je suis autrice ou auteure, mais je préfère auteure, comme directeure et non directrice, mais qui suis-je? Une femme qui est auteure et qui déteste qu’on décide pour elle. Dans l’un des guides, « illes proposent auteurices!!! ».

Nous n’avons pas fini de faire couler l’encre avec ce sujet, et couler les larmes avec les agressions visuelles quoiqu’en disent les fervents gardiens. Iels ou illes (ils ou elles) sont convaincues (le féminin l’emporte) que c’est nécessaire. Je partage en partie ce combat. Oui pour une écriture inclusive, mais non pour un vocabulaire qui détruit pour inventer une pseudo inclusion. Au fait, ça se prononce comment euxes ou toustes?

Je suis une femme de mon époque, de tous les combats, mais je suivrai la parade… je ne la guiderai pas cette bataille! Je crois que dans son extrême, cette volonté qui part d’une bonne intention va à l’encontre de l’objectif. Elle divise au lieu d’unir. Que dire des hommes qui n’osent rien dire et qui lèvent les yeux en l’air, je vous épargne les réflexions sexistes ici. Et je sais que ce combat n’est pas le leur, ils représenteraient d’ailleurs la résistance et nous pouvons comprendre.

De mon côté, je vais devoir tenir compte de cette complexité dans la rédaction et la gestion de mes médias sociaux. Non, c’est pas fini… c’est rien qu’un début…

Blogue La Présence des idées

PS Je sais, une majorité seront d’accord et une minorité me lancera des tomates… je ferai alors une super sauce à spaghetti 😉

PPS J’aurai également des « Ayatollahs » de la langue qui me corrigeront ou qui ajouteront des arguments. Allez, si j’écris et partage mon opinion, j’accepte les idées différentes.

2 commentaires sur « Le marketing inclusif et le langage épicène »

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