Sans vouloir faire de l’appropriation culturelle ou dramatique, la semaine aura été marquante avec ce grand feu de l’enfer qui brûle toujours dans nos cœurs… Tout le monde en parle encore, et en parlera encore, et ça risque d’être la blessure narcissique de l’humanité de la prochaine décennie… juste avant la vraie grande qui se prépare.
Cette gifle au cœur de notre passé collectif qui nous donne la chance de léguer quelque chose de symbolique comme l’on fait les bâtisseurs de cathédrales avant nous, et les bâtisseurs de temples aussi. Ce besoin viscéral pour tous les peuples, religions confondues, au fil des générations, de vénérer un Dieu plus grand qu’eux. Un besoin inexplicable, mais vital de croire que ces architectures grandioses et extravagantes étaient une offrande et un sacrifice d’homme justifiés pour honorer un Dieu, de surcroît probablement imaginaire.
Qu’évoque cette cathédrale au fait?
Évidemment, une grande partie du monde a été choquée par une autre perte d’un patrimoine mondial qui avec sa seule forêt de chênes dans la toiture, abritait une forêt primaire d’arbres de 300 et 400 ans qui étaient un fil rouge avec le passé lointain de notre Cathédrale à tous, la Terre.
J’ai vu de tout dans les médias sociaux depuis quelques jours. Même un fou qui a été pris avec des bidons d’essence dans la cathédrale de New York. Il se dirigeait à Rome après. Des images de Jésus dans les flammes. Une personne supposément vue sur le toit, sûrement afin d’alimenter une thèse terroriste. D’autres, et ils sont plusieurs, ont été choqués de voir les riches se mobiliser pour reconstruire au plus vite, ce legs millénaire pour les générations qui suivront. Certains poussant l’ironie à faire parler Victor Hugo avec un appel pour les « misérables ». La France déjà prise, comme la majorité des pays industrialisés (le Tiers monde aussi bien sûr) avec des coupures et des problèmes sociaux endémiques. Oui, nous pouvons nous poser la question, cette cathédrale est le symbole de quoi au juste?
Si rien ou presque ne sera d’origine, on peut se demander pourquoi réellement. La simple volonté de ne pas porter l’odieux de cette perte dans l’histoire? L’envie de redonner au suivant… bref! Donner quoi? Un symbole religieux? Sûrement pas, à l’heure de laïcité et du scandale de l’Église catholique, je n’y crois pas. Non, ce symbole est notre lien avec le passé, et le futur… la preuve de l’humanité et de ses incohérences. La capacité de l’humanité du plus grand et du plus laid. Rien ne dit que la reconstruction ne sera pas encore une prochaine perte dans 100 ans, 1000 ans… par un feu, une météorite, une guerre, ou autres. Mais nous sommes prêts à la reconstruire envers et contre toute logique, sauf probablement l’impératif économique pour le tourisme parisien qui va en souffrir énormément. Mais je n’allais pas à Paris pour cette cathédrale seulement, pas du tout.
1 milliard d’euros apparus si vite, que même que les braises n’étaient pas éteintes, tel un Phoenix qui veut renaître de ses cendres et qui n’a pas la patience d’attendre qu’elles soient refroidies. L’argent achète tout. Même l’espoir.
C’est un peu ça, avec les riches. Ils décident quoi faire avec leur argent depuis la nuit des temps, c’est l’un des privilèges de la richesse. Des humains, ça passe, ça meurt… un peu plus vite, ou peu plus lentement, on ne les compte plus. Il y en a trop de toute façon. La Terre ne suffit plus à cette surpopulation. C’est comme les chats, les rats, et autres bêtes qui se reproduisent à la vitesse de l’éclair…. On veut les stériliser, les euthanasier, les contrôler dans leur reproduction. Aider les plus démunis, c’est aider leur reproduction, alors que les appauvrir et refuser d’allonger de l’argent pour les aider, ça contribue à une forme passive de nettoyage humanitaire, l’eugénisme prisé par tant de grosses têtes, généralement riches, très riches.
Si vous avez lu mon dernier article « La société devrait définir le concept de vérité avant de prétendre le programmer » où je fais référence à Laurent Alexandre et son dédain pour les « gilets jaunes » qui prédit que d’ici 2100, ce genre d’individus (comprendre quotient intellectuel faible et talents peu utiles) seront complètement disparus de la terre. Seuls les plus intelligents survivront pour construire, entretenir et gérer les robots et les machines si savamment construites pour les remplacer, eux ces êtres de seconde classe… ces bâtisseurs de Cathédrales. Et c’est bien commencé… il y a tant de métiers disparus, nous pouvons comprendre cette prédiction inquiétante faute de la vouloir vraie.
Le devoir de mémoire … oublié!
Pendant que tout le monde jette un regard ahuri sur cet événement comme un symbole de notre incohérence collective, nous oublions que notre système a été érigé depuis des siècles sur les bâtisseurs de ces cathédrales… ces hommes (et femmes aux fourneaux et à la lessive) qui ont construit l’humanité à la sueur de leur front. Et sans oublier au prix de la vie de milliers d’hommes tant par ces chantiers pharaonesques que les guerres pour accaparer ou détruire ces symboles. Leurs descendants, les ouvriers dans les manufactures, les miniers dans les mines et les secrétaires dans les grands bureaux, parfois syndiqués ou pas, mais travaillant comme pas un au profit d’un plus riche afin de perpétuer la tradition de « servir » et survivre.
Nous arrivons dans une ère qui remet en question leurs rôles, leurs motivations et leur fierté. Ne serait-ce que pour leur rendre un peu l’honneur de leurs sacrifices, je dis oui à la reconstruction de cette Cathédrale. Mais dans le même élan, je dis non à la déconstruction de l’Humanité.
Je dis non à tous ces grands penseurs, et grands riches qui ne savent pas où mettre les priorités. Quand avons-nous construit la dernière cathédrale, le dernier temple dans le monde? Nous avons construit des tours à bureaux, des œuvres démentielles à Dubai avec l’argent du pétrole arabe, à Hong Kong avec les droits humains et j’en passe.
Nous avons sorti le sable des océans, les minerais et le pétrole des sols, pollué les rivières, les lacs, les océans au nom de la consommation et de l’extravagance des riches et leur narcissisme. Nous avons abattu des forêts entières, particulièrement les forêts amazoniennes et continuons de le faire, sous le regard ahuri de tous et dans une passivité qui fait mal. Nous avons contribué à l’extinction de milliers d’espèces vivantes, et nous en menaçons d’autres chaque jour. Toutes ces barbaries pour le bénéfice de multinationales qui détruisent le plus grand patrimoine de la Terre, ses poumons… et sa nourriture. Et en échange contre toutes ces folies de riches, du travail pour les bâtisseurs, ou débâtisseurs de cathédrales modernes érigées pour des icônes Trumpiennes « cling cling » ou « dingue dingue ».
Nous avons changé les cathédrales pour des tours, mais nous avons surtout changé notre rapport avec les bâtisseurs de cathédrale et notre devoir de mémoire. Nous prenons tout maintenant, sans penser à demain. Notre devoir de pérennité n’est même pas au cœur de nos actions, et collectivement nous ne sommes pas d’accord sur le devoir de mémoire. D’ailleurs, quelle mémoire? La mienne ou la tienne? Pourquoi pas la nôtre! Je me souviens de quoi au juste? Mais je sais une chose, nous avons un devoir de laisser plus grand que nous pour les générations futures et non pas moins, ou rien.
Faire partie d’un tout plus grand que soi
Personnellement, la perte de ce joyau m’émeut beaucoup. Peut-être parce que lorsque je voyage, je visite ces lieux sacrés avec beaucoup de fascination. Non pas que je crois à une religion quoique j’ai grandi dans la religion catholique , mais je suis athée ou agnostique selon les jours. Par contre, je crois assurément en une loi divine… elle n’est tout simplement pas « brandée » et dirigée par un « homme » qui prétend servir un Dieu au nom du sacrifice de ses semblables et d’une hiérarchie patriarcale où la femme est après les brebis, ou juste en haut, selon la marque religieuse. Je suis plutôt fascinée par l’ampleur de l’argent dépensé et des efforts investis par les artisans, ces bâtisseurs de cathédrales qui croyaient à quelque chose de plus grand et qui ont réalisé ces chefs-d’œuvre intemporels. La chapelle Sixtine à elle seule et le musée du Vatican nous rappellent que le son de la monnaie qui résonnait le dimanche lors de la dîme, le peu de change que ma grand-mère avait dans son portefeuille, servait à ça. Mais aussi, à préserver les traces de l’humanité, le passage de nos ancêtres, le fil rouge qui nous relie tous les uns aux autres. Quelle que soit la période dans le temps. Le musée du Vatican contient tous les trésors du passé de chaque époque… c’est démentiel, mais important. C’est pour ça que j’adore visiter ces lieux… je la sens cette connexion… avec le grand tout et chaque fois ça m’émeut. Je voyage dans le temps et j’adore. À Rome, j’ai eu des frissons plus d’une fois devant les ruines ou les lieux historiques.
Aujourd’hui, on frissonne pour un « Black Friday » ou un nouveau « iPhone », pour une victoire ou une défaite d’une équipe de Hockey, pour la performance d’un entrepreneur qui vient d’entrer à la Bourse et ainsi de suite. On se chicane sur la place publique pour le droit de porter « ses cathédrales » au bureau, pour ce droit fondamental de se parer pour un Dieu, comme leurs ancêtres le font depuis des siècles au prix de la dignité des femmes d’ailleurs. D’un côté, nous confondons religion et liberté, et de l’autre, respect des bâtisseurs de cathédrales avec le droit des invités dans cette cathédrale.
Nous sommes dans une ère qui a perdu ses repères, et la cathédrale est un repaire pour ne pas oublier. Disons-le franchement, ces lieux de cultes qui ont permis aux générations précédentes de se rassembler, ont été remplacés par Facebook, Instagram et compagnie. Quelle que soit la route que nous voulons emprunter pour le futur, ce sont nos décisions et priorités d’aujourd’hui qui permettront aux générations suivantes de se rassembler. La question est où… ou comment? La pluie fait pousser aussi bien les tomates que la mauvaise herbe… pleurons collectivement, mais agissons collectivement grâce à nos cathédrales virtuelles faute de fréquenter les vraies cathédrales.
L’avenir de l’humanité se joue maintenant
J’avoue être plus qu’inquiète avec les projets grandioses qui mobilisent nos plus grands cerveaux pour l’intelligence artificielle. Pour la construction acharnée de ce monde virtuel qui a plus d’importance que le monde réel. Le débat de cette cathédrale nous ramène exactement là où tout a commencé et tout continue… Nos bâtisseurs de cathédrales sont remplacés par ceux-là mêmes qui construisent les cathédrales virtuelles. Leur intelligence sera utilisée pour dominer le monde de demain. Les clochers sont devenus nos milliers d’alertes partout dans nos vies. Il y a dix ans, assez ironiquement, j’ai écrit l’un de mes premiers articles de blogue sur ce sujet : « Lorsque les clochers et les silos connectent le monde ». J’encourageais la connexion Internet partout dans les villages pour connecter tout le monde et nous en parlons encore. Parce que c’est dorénavant un clivage de plus qui s’ajoute entre les villes et les villages!
Quelles sont nos priorités? Que voulons-nous léguer à l’humanité? Comment peut-on imaginer dans 1000 ans ce que notre descendance affrontera? Comme ceux qui ont bâti Notre-Dame de Paris, il y a mille ans… pouvaient-ils seulement imaginer que le monde entier pleurerait ensemble ce feu de l’enfer en direct sur leurs écrans et se mobiliserait pour la reconstruire dans un élan de générosité aussi spontané que critiqué? Une flèche sur notre égo collectif tombée droit au cœur qui nous rappelle que le patrimoine, qu’il soit religieux ou naturel, c’est notre ligne téléphonique avec le passé, notre connexion symbolique avec nos racines.
Et avec cet argent, ces mêmes riches cherchent des moyens de remplacer ces bâtisseurs par des solutions moins coûteuses, et plus efficaces qui s’appellent la robotique et l’intelligence artificielle. C’est le legs que nous faisons aux générations futures, emprunter leur terre, pour leur revendre des robots dans quelques années. Ces mêmes robots qui construiront des cathédrales virtuelles, comme on se fait un toast le matin. Mais j’espère que je pourrai un jour me rasseoir dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris pour chercher cette connexion avec le passé pour qu’on n’oublie pas… eh oui, je suis d’accord que tout cet argent fait mal à nos priorités immédiates… mais justement… elle nous les remet à la figure dans le même souffle!
En cette période de résurrection, ressuscitons le meilleur de l’humanité!
Que l’humanité soit, que l’humanité demeure!
PS Ici, je n’ai aucun conseil, aucun appel à l’action, aucune demande, rien… juste l’envie que tous ensembles nous réfléchissions à l’importance des cathédrales… qu’elles soient de pierres ou virtuelles. Nos priorités actuelles et futures en dépendent! Si vous partagez, c’est déjà ça!
Un des dernier temple érigé est la Mosquée Hassan-II
mosquée de Casablanca, Maroc, terminée en 1993
Même en ruine elle sera intéressante à voir. La rebâtir ne ferait qu’un simulacre puisqu’elle est devenu un monument touristique et non religieux. ces richesses peuvent très bien être mise en valeur dans d’autres cathédrales vides et rentabiliser celles-ci. Les communautés riches aident le Vatican déjà riche en envoyant des reçus de dons avantageux pour les impôts des riches. Mais leurs noms seront gravés sur des pierres de cette nouvelle cathédrale. Ils ont l’impression qu’avec ce geste, St-Pierre ouvrira toute grande les portes du ciel à leur arrivée, vu leur grandeur d’âme.
Je suis entièrement d’accord avec le simulacre… la question est de savoir ce qui aura été réellement sauvé et épargné par le feu. Mais dans l’histoire, il semble plusieurs trésors du patrimoine religieux aient été reconstruit et restauré à cause des guerres notamment. Au bout d’un moment, on ne sait plus ce qui est d’origine, mais on sait où tout a commencé. Ici, je dirais que l’Église devrait avoir la reconnaissance que ces lieux de culte ne sont plus leurs propriétés si ce sont devenus des lieux touristiques et qu’on n’y fait même plus de messes, ou exceptionnellement… Sur les ruines, on pourrait justement capitaliser sur le besoin de voir les catastrophes… à l’heure des selfies ça nourrit les assoiffés de « M’as-tu vu ». Joyeuses Pâques et ressuscitons de notre léthargie collective faute de suivre la liturgie!