Le combat des cigales et des fourmis !

L’inspiration de ce billet me vient des nombreux échanges des derniers jours avec quelques personnes. Certains préoccupants, d’autres convergents, mais tous ces échanges furent de petites graines ayant germé dans ma réflexion. Un peu comme un éditorial sur l’actualité.

Pour aborder ce billet, il faudrait déjà connaître la fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi ». J’ignore si cette fable est encore enseignée dans les écoles de nos jours, mais nous sommes très nombreux à la connaître ayant dû la mémoriser par cœur pour la réciter devant nos premières foules.  Donc, les deux protagonistes, la cigale fort insouciante, et la fourmi très travaillante nous rappellent que depuis la nuit des temps, le monde se divise en deux. Ceux qui aiment le « farniente » et ceux qui travaillent dur et d’arrache-pied dans un souci de prévoyance pour les temps difficiles.

J’irais même jusqu’à dire que ma vie de banquière au début de ma carrière m’a fait côtoyer de nombreuses fourmis et encore plus de cigales. Dans le jargon financier, les fourmis sont nos épargnants à la recherche du meilleur taux pour leurs placements, et les cigales sont très souvent nos emprunteurs (éliminons les hypothèques et les prêts-autos pour cet énoncé) qui occupent les départements des rappels amicaux sur les retards de paiements ou le plafonnement de leurs marges de crédit ou de cartes de crédit. Ceux qui aiment dépenser et penser après. Sans tomber dans la morale de bas étage sur les motifs poussant les honnêtes cigales à dépenser de l’argent qu’elles n’ont pas, et à profiter de la vie aujourd’hui sans penser à demain, nous devons bien admettre que cette façon de faire est un cercle vicieux qui ne fait que creuser l’écart entre les fourmis et les cigales. Heureusement que les banques sont plus prêteuses que notre célèbre fourmi, car les cigales auraient bien mal aux pieds à danser après avoir chanté tout l’été.

À quel point la société est-elle responsable des cigales?

Il a souvent été répété que tout le monde devrait avoir un coussin financier d’au moins six mois en cas de malchances. Or, il est prouvé que les Canadiens, toutes provinces confondues, sont de loin très peu prévoyants et que leurs économies sont nettement insuffisantes pour répondre à cette règle de sagesse financière. Notre taux d’endettement personnel est même préoccupant. Il y a aussi un très fort pourcentage d’entreprises qui jonglent avec le crédit chaque jour et qui peinent à prévoir les mauvais coups. Or, il est rare que toutes les cigales se ramassent en même temps dans le même mauvais coup. La pandémie aura plongé tout le monde dans le même bateau, cigales et fourmis… le même, vraiment?

Pour certains, une seule paie en moins et la catastrophe arrive ou une seule semaine sans revenus d’affaires. Ces cigales qui n’ont pas chanté tout l’été certes, mais ont clairement désenchanté dès que leur emploi est tombé ou leur commerce touché. La seule et unique option fut la PCU ou les prêts de secours. Pour certaines vraies cigales, la PCU, c’est un emprunt à une autre fable du très sage et prolifique Jean de La Fontaine : « La poule aux œufs d’or ». Or, qui de ces cigales (dorénavant confortables dont plusieurs préfèrent le confort du divan et de NetFlix) a le goût de travailler pour moins ou simplement l’équivalent monétaire pour un effort de travail en plus? Il faut être une cigale pour comprendre que le choix est facile. Vaux mieux un tien pas à toi que deux que tu n’as pas! Je sais que c’est un propos délicat, mais je suis totalement découragée de constater la quantité d’emplois disponibles sans personne pour les combler. Les entreprises qui survivent en ce moment gèrent les lacunes que cette prestation a engendré. Certaines s’arrachent les cheveux. Une cliente qui voulait combler un poste administratif n’a reçu qu’un seul CV malgré un affichage intense et des recherches via une agence de placement. Avec le nombre d’entreprises fermées et les employés en chômage, c’est à se demander. Le discours étant tout à fait logique dans la tête d’une cigale, pourtant, un piège attend ces cigales : les impôts à payer viendront tôt ou tard, de plus en plus tôt en fait.

Combien de faillites personnelles ou d’affaires en vue? Jamais une cigale ne pourra payer ses impôts si elle n’a pas eu la prévoyance d’une fourmi. Qui paiera pour ça? Les fourmis qui continueront de travailler? Bien sûr que tous les prestataires de la PCU ne sont pas des cigales, mais pour plusieurs la PCU est arrivée comme une loterie. Plusieurs sont plus riches qu’avant la pandémie.  Il faudra bien un jour payer pour tout ça, et ce jour approche.

Donc, je pose la question : qui est responsable des cigales? Il est grand temps que nous imposions des cours de littératie financière à nos enfants, et surtout aux adultes. Les mauvais coups de la vie sont un risque bien réel et apprendre à gérer notre argent et à prévoir des économies est bien au-delà de la mathématique. Il faut apprendre la finance personnelle et planifier son budget. D’ailleurs, de nombreux livres émergent à ce sujet pour vulgariser la finance dont celui de Pierre-Yves McSween « Liberté 45 » qui a le mérite de planifier une vie de fourmi jusqu’à 45 ans pour devenir une cigale après. Bien sûr, dans les urgences, il faut des mesures à la hauteur de l’urgence. Mais souhaitons que cette pandémie nous permette de mettre des balises claires si jamais nous étions frappés à nouveau par un tsunami viral ou autre peste moderne.

Un éveil de conscience est urgent : la polarisation doit cesser

Je vois partout autour de moi des générations axées sur l’économie sociale, l’environnement durable et une pleine conscience que nous devons arrêter de consommer plus que ce que la terre peut produire et encore moins dépenser plus que nous gagnons. Je souris de soulagement et d’espoir face à ces citoyens allumés et éveillés. Mais je vois aussi l’envers de cette médaille. Des gens qui s’endettent pour soutenir un niveau de vie nettement supérieur à leurs capacités financières. Ces mêmes personnes qui face à une pandémie se retrouvent aussi dépourvues que la cigale lorsque la bise fut venue. Je sais que c’est difficile pour les familles avec des enfants et deux salaires moyens ou inférieurs. J’aime croire que ces familles font partie des générations de pleine conscience qui savent faire du neuf avec du vieux et qui savent reporter les petits caprices à plus tard. Mais soyons honnêtes, les familles au Québec peuvent très bien vivre si elles savent gérer leurs finances et faire des choix écologiques et économiques.

Un rappel de la force de la mobilisation!

Nous sommes en temps de guerre. Notre solidarité est plus que jamais essentielle loin de la polarisation. Une guerre avec un ennemi microscopique aux conséquences astronomiques. Il me semble qu’il faudrait faire l’effort d’imaginer ce que les générations avant nous ont vécu durant les deux premières guerres mondiales. Ils mangeaient des patates et tricotaient pas juste des bas de laine. Ils attendaient en ligne pour leurs coupons afin d’acheter les denrées rarissimes.  J’ai aussi de la difficulté à imaginer que des personnes se sentent opprimer et priver de libertés en osant se comparer à Anne Frank ou autres prisonniers de la folie hitlérienne. Oui, j’ai lu ça dans les médias sociaux. Des rébellions pour la « libarrrtté » menées avec une vision déformée de la réalité! Une insulte à ces personnes qui ont souffert au-delà de notre imagination. Notre guerre à nous, nous la vivons au chaud. Avec un filet social et du soutien si nécessaire. Notre filet social est même devenu pour trop de cigales, un mode de vie. Rien n’est parfait, surtout pas en ce moment, mais j’hallucine de lire et entendre que certaines personnes totalement déconnectées de la réalité osent se comparer à des victimes de dictature.

En fait, j’aimerais bien être un petit oiseau pour les entendre raconter leur histoire COVID à leurs petits-enfants dans 40-50 ans. Des héros qui ont bravement affronté et résisté contre la dictature de l’époque. Ils ont dû s’enfermer avec NetFlix, obligé d’encaisser la PCU et voir leur famille seulement par vidéo. Ils devaient se laver les mains, porter des masques et attendre dans de très longues files dans les grands magasins, parfois à la pluie et au froid. Une période marquante qui les a privé de multiples partys, et la cerise sur le sundae, pas de Noël, cette année-là. Je vous laisse imaginer la version du personnel de la santé et autres soutiens indispensables à notre confort. Chacun aura sa version martyre de cette pandémie.

Nous vivons dans un monde complètement disloqué par des visions tordues de la réalité. Nous avons des exemples violents aux É.-U. avec un président qui mène cette division pour son seul bénéfice en contribuant à chaque fois qu’il ouvre la bouche ou qu’il écrit sur Twitter à polariser le monde et ses propres concitoyens. Nous ne pouvons pas vivre comme si tout le monde nous devait quelque chose ou comme si tout le monde avait tort dès qu’ils doivent prendre des décisions difficiles qui ne font pas notre affaire.

La paix entre les fourmis et les cigales

En temps de guerre, la trêve durant Noël est un pacte entre les pays ennemis. Tout le monde a besoin d’un répit en temps de guerre. Mais, les fourmis qui travaillent sans relâche pour assurer notre confort, nous soigner, nous protéger, nous approvisionner et plus encore sont toutes fatiguées de travailler plus fort que jamais pour le même salaire… ou un peu plus pour certains. Plusieurs n’auront qu’un petit congé, d’autres pas. Pendant ce temps, les cigales se plaignent déjà de ne pas pouvoir chanter et danser pendant deux semaines dans le temps des fêtes. J’avoue que je suis le genre fourmi qui danse et qui chante et je suis très triste que nous soyons amputés collectivement d’une période qui n’avait jamais été aussi cruciale et nécessaire.

Pour ma part, les fêtes ont souvent été très ordinaires. Une période d’introspection et de relaxation souvent au soleil. Cette année, les choses seront un peu étranges. La trêve avec le virus semble impossible. Le combat des fourmis collectives n’est pas terminé. Les cigales nombrilistes rechignent et continuent d’exiger la « libarrrté », de crier à l’injustice, et d’affirmer leur vision du monde qui dépend des fourmis pour les aider en temps difficiles. Oui, il y a aussi quelques fourmis au combat de la « libarrté » par découragement, frustration et désaccord avec les décisions gouvernementales. Parions au détour que ces cigales seront nombreuses à braver les demandes du gouvernement. Plusieurs fourmis aussi par besoin d’exulter et faire eux aussi la cigale, le temps d’une dinde. Parions aussi que si les cas augmentent après les fêtes, ça ne sera sûrement pas de leur faute. Il faut les comprendre. Pour plusieurs, les congés durent depuis longtemps dans la solitude ou l’ennui. Le besoin de se gaver de plaisirs humains est compréhensible. De grâce, faites-le avec un maximum de précautions au moins.

Soyons matures collectivement

C’est évident que les tentations seront énormes de braver les demandes du gouvernement. La trêve du temps des fêtes est un symbole fort. Je ne sais pas comment nous y arriverons pour dire vrai. Mais je me dis que nous avons des conditions de guerre idéales. Même les cigales sont nourries et logées. Nous les soignerons aussi ces cigales ayant bravé les consignes sanitaires. C’est pour dire le monde idéal dans lequel nous vivons. Même les propagateurs du virus ont droit aux meilleurs traitements.

J’avais fait un billet de blogue sur le système de notation sociale de la Chine avec ses citoyens. Ce système ayant inspiré un épisode de Black Mirror, à moins que ça soit l’inverse… hum! Personne ne voudrait vivre dans ce système qui donne une cote aux bons comportements et en fait perdre pour les mauvais. Je parie ma chemise que les cigales en Chine ont la vie dure. Je parie qu’elles sont exclus du système ou peut-être qu’elles n’existent même pas. Alors si l’envie de vous plaindre vous prend, pensez aux Chinois et autres citoyens des pays sous de réelles dictatures. Dites-vous que c’est la pandémie à l’année depuis toujours pour eux. Ça ne fera pas entrer la visite à Noël, mais cela nous fera sûrement apprécier la vie après la pandémie, celle que nous avons toujours tenue pour acquise!


Joyeuses périodes des fêtes à toutes les fourmis et à toutes les cigales… déposons nos différends au pied du sapin qui nous tiendra compagnie!

Blogue La Présence des idées

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