Il est bien loin le temps des pigeons voyageurs, ou des corbeaux messagers (pour les fans de « Game of Thrones ») pour communiquer avec nos semblables au loin. Mais bien réel est le défi de la connectivité à l’ère numérique, un besoin si grand que nos habitudes en sont dorénavant modifiées, et les défis technologiques relatifs à l’accès Internet aussi.
L’accès aux facilités de connexion qui influence nos choix
Qui n’a pas eu la demande d’un invité à la maison ou au bureau : « Quel est le mot de passe de ton réseau Wi-Fi? ». Certains l’affichent dorénavant bien en vue d’ailleurs. Les ados comme les adultes se questionnent inévitablement sur l’accès Internet avant de se déplacer pour quelques jours loin de leur réseau mobile. En effet, qui voudrait perdre l’accès à son Facebook, ses courriels, ou à son jeu préféré. Nos vies sont réglées, qu’on l’admette ou pas, sur cette vitale question de connectivité. D’ailleurs, un rendez-vous d’affaires dans un café sans Internet n’est pas concevable, et que dire des prises de courant? Tout doit être rechargé, une véritable obsession collective de ne pas oublier le fil pour se brancher, trouver une prise pour se ravitailler, et tout cela la majorité du temps dans une absolue rareté des options. Essayez de vous brancher dans un café, ou dans un resto. Les places à côté d’une prise de courant sont dorénavant les plus convoitées. Je ne serais pas étonnée que nous devions payer un extra dans un avenir rapproché.
Une rareté bien gardée pourtant bien réelle : les adresses Internet (IPV4 vs IPV6)
Vous avez sans doute déjà entendu parler de la rareté des numéros de téléphone qui obligent les compagnies à créer de nouveaux indicatifs régionaux. Cela a même mené à une augmentation de la valeur sociale du code 514 (pour ceux qui habitent la région de Montréal). Qui veut changer à 438, ou pire, être marqué par l’étiquette 450 ? Étrange, mais c’est comme ça. Imaginez que votre adresse IP (celle qui est associée à votre mobile, ou ordinateur) soit dorénavant un privilège. Un peu charrié vous croyez? Non, si on en croit la pénurie annoncée depuis plus de 10 ans, elle est arrivée, et bien réelle partout. Cette pénurie est expliquée par l’augmentation des appareils connectés (les mobiles, les objets connectés, l’accroissement des internautes, etc.).
Lorsque notre frigidaire parle à un serveur, il faut bien une adresse IP pour établir la connexion. Microsoft a même racheté pour 7,5 millions de dollars un stock de plus de 600 000 adresses IP lors de la liquidation des actifs de Nortel parce que l’organisme responsable de la distribution des adresses ne pouvait justifier l’émission d’autant d’adresses IP à Microsoft. Ses derniers voulaient être prêts pour une éventuelle hausse des barrières à l’entrée. Un véritable marché secondaire de la revente d’adresses IPV4 s’organise en attendant la conversion totale vers le nouveau protocole IPV6 pour remplacer IPV4. Nous en sommes au recyclage des adresses IP depuis un bon moment, comme pour les numéros de téléphone. Voir plus d’infos ici sur le défi de la pénurie et de la conversion.
La conversion au protocole IPV6, aussi gros que le « bug » de l’an 2000?
Il faut surtout rester calme, mais il faut aussi ouvrir les yeux face à cette pénurie. Selon ma compréhension, les ordinateurs et autres appareils achetés récemment peuvent très bien se connecter au nouveau protocole, et être compatibles à IPV4. Mais l’inverse n’est pas vrai. Donc, pour plusieurs entreprises, le défi de convertir le parc informatique pour être en mesure de communiquer en IPV6 pourrait s’avérer un cauchemar selon certaines prédictions alarmistes. Mais parions que d’ici là, les fournisseurs de services Internet trouveront bien un moyen de nous faciliter la vie, moyennant quelques frais supplémentaires bien entendu. Faux problème? Ou syndrome de l’autruche? À vous de faire vos paris.
Les dessous cachés de ces pénuries
En attendant, je crois qu’il faut simplement réaliser que nous sommes extrêmement dépendants d’une denrée de plus en plus convoitée : la connectivité. Déjà, aux É.-U., il y a une gestion des flux d’ondes cellulaires pour prioriser les numéros de mobile qui doivent payer une « prime de priorité », comme les services d’urgences. Oui, même les réseaux cellulaires sont engorgés, comme les réseaux de données aux heures de pointe d’ailleurs. Comme l’essence, les réseaux Internet font tourner le moteur de notre connexion au monde, et comme l’essence, il faut s’attendre à devenir esclave de règles que nous ne contrôlons pas. Parlez-en aux régions éloignées qui doivent se contenter de fournisseurs monopolistiques, ou les pays émergents qui s’ajoutent un défi supplémentaire pour arriver au 21e siècle avec des chances équitables de participer aux échanges économiques.
En juin 2009, j’avais écrit « Quand les églises et les silos connectent le monde » suite à une discussion avec un maire de village qui faisait face aux défis de la connectivité de ses villageois. Il faut aussi voir à quel point certains citoyens sont déjà traités comme des citoyens de seconde classe simplement parce que leur vitesse Internet est moindre, ou que la connectivité n’est pas possible. Quelle part le budget « connectivité » prend-t-il lorsque la famille est branchée à temps quasi plein sur NetFlix ou sur YouTube, et qu’un enfant de 8 ans se promène avec un mobile dans les poches? C’est aussi le défi derrière la cyberdépendance, gérer nos accès aux réseaux virtuels, et notre Présence en réel. C’est ce que j’ai abordé dans mon article « Tout est affaire de connexions : à nous de faire les bonnes! » où j’aborde la nouvelle maladie de la « nomophobie ». Lorsque nous ne pouvons plus lire la Presse sans une bonne connexion Internet, on ne doit pas s’étonner que la connectivité soit un réel défi. Heureusement que nous ne voyons pas toutes ces ondes dans lesquelles nous baignons, nous aurions un véritable choc, paraît-il!
En résumé, il m’apparait crucial de garder l’œil ouvert sur les règles de marché en regard de la connectivité, parce que les nouveaux maîtres du monde ne font pas l’extraction du pétrole. Nous devons demeurer vigilants sur cette nouvelle réalité. Il semble très près le jour où nous exigerons que la connectivité Internet ou les réseaux cellulaires soient considérés comme un service essentiel*.
Qu’en pensez-vous?
*J’ai traversé le parc de la Gaspésie la semaine dernière en pleine tempête de verglas. Le réseau cellulaire ne fonctionne pas durant tout le trajet sur cette route montagneuse. Il y a une cabine téléphonique à chaque 58 km. Personnellement, je considère cela criminel de laisser des voyageurs au milieu de nulle part sans offrir de solutions pour appeler en cas d’urgence. Voilà pour moi, un service essentiel. Je n’ai jamais été aussi heureuse de voir la civilisation à la fin de ce parcours…déconnecté!!