La stupidité collective, un fléau sociétal et nos « Archipels numériques »

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CE QUE L’ia RÉSUME DE CET ARTICLE en vidéo.

Dans un monde où l’information abonde et où la technologie est omniprésente, on pourrait croire que nous sommes plus intelligents et connectés que jamais. Pourtant, un phénomène insidieux prend de l’ampleur : la stupidité collective. Dietrich Bonhoeffer a été le premier à parler de ce phénomène et à élaborer la théorie de la stupidité.

Ce n’est pas une question d’intelligence individuelle, mais plutôt la tendance des masses à adopter une pensée superficielle, à accepter aveuglément des récits savamment contrôlés et à abandonner leur indépendance intellectuelle sans même s’en rendre compte.

La stupidité est-elle plus dangereuse que la méchanceté elle-même ? Inspiré par la théorie de Dietrich Bonhoeffer, ce documentaire révèle comment la stupidité collective est devenue une force sociale capable de manipuler les masses et de transformer la société en un espace de conformisme social dangereux.

Si vous avez déjà éprouvé la frustration d’une argumentation face à quelqu’un qui refuse d’écouter, ou ressenti l’impact destructeur d’un conformisme social grandissant, cette réflexion sur la philosophie sociale et la manipulation des masses vous apportera des réponses éclairantes.

Vingt minutes éclairantes sur la stupidité plus dangeureuse que la méchanceté. Percutant! (Divulgâcheur : il ne faut pas confondre « stupidité » avec « ignorance »)

Comment en sommes-nous arrivés là, et quels sont les premiers pas pour s’en sortir ?

Le cerveau humain, nouveau champ de bataille

Nos sociétés hyperconnectées ont rendu notre cerveau plus accessible que jamais aux manipulations extérieures. Dans mon article qui aborde la méta-cognition, j’explique que l’humanité fait face à une manipulation sans précédent. Chaque notification, chaque algorithme que nous consommons façonne notre perception de la réalité. Des exemples frappants le démontrent :

  • La réélection de Donald Trump illustre comment la guerre cognitive est devenue une arme majeure pour les despotes, ciblant la manière de penser des citoyens et surtout les privant de la pensée critique essentielle à la prise de décisions éclairée.
  • Des plateformes comme TikTok et X (anciennement Twitter) sont des exemples clairs où « qui contrôle l’algorithme, contrôle le narratif ». TikTok, par exemple, peut affaiblir les jeunes en les détournant de la lecture, une habitude essentielle à la pensée critique. Que dire de X qui a démontré à quel point, Elon Musk est derrière ses propres paramètres de « vérités alternatives ».
  • Des pays comme la Chine et la Russie intègrent l’espace cognitif dans leur doctrine militaire, exploitant les « failles sociétales » pour diviser et créer le chaos, entraînant une perte de confiance dans les institutions. Un excellent reportage « Au coeur de la propagande russe » sur LCN ne saurait mieux expliquer la fabrique du mensonge.

Cette dépendance et cette manipulation ne sont pas sans conséquence : des études aux États-Unis et en Europe montrent que le recours excessif à l’IA pousse à la « paresse cognitive ». Une enquête de KPMG en 2024 a révélé que 6 étudiants adultes sur 10 au Canada utilisent l’IA pour leurs travaux scolaires, admettant « ne pas apprendre autant ou retenir moins de connaissances ».

La professeure de littérature Élyse Dupras a constaté avec tristesse que ses étudiants sous-traitaient leur pensée à ChatGPT, rendant le processus d’évaluation « cassé » et leurs notes sans valeur. Brian Klaas, professeur de science politique, craint même que nous ne privions l’espèce humaine de sa « compétence fondamentale qui lui permet de prospérer : apprendre non pas quoi penser, mais comment penser ». La valeur des notes est dorénavant une anologie d’un test sanguin qui proviendrait du mauvais patient, bravo pour le diagnostic du médecin.

Dans mon article : Un fléau inquiétant : le détournement de la langue et les abus de langage qui date de 2019, j’expliquais comment la « novlangue » à la base du roman « 1984 » de George Owell était le point de départ de l’érosion de la pensée critique. Exactement comme le fait Trump en ayant enlevé tous les mots des sites du gouvernement qu’il dit « woke » qui ne conviennent pas au culte « Maga », sans oublier les attaques aux universités et aux musées pour que leurs programmations soient revues et « marginalisées ». Le problème est surtout que ce n’est pas de la politique fiction, c’est un saccage de la pensée critique ayant cours devant nos yeux.  La consternation actuelle n’est que la pointe de l’iceberg.

Les « Archipels numériques » : des bulles qui nous isolent

Cette stupidité collective est amplifiée par la fragmentation de nos interactions en ligne, un phénomène appelé l’« archipélisation » par le politologue Jérôme Fourquet.

  • Les réseaux sociaux ne sont plus un espace commun, mais un archipel d’îlots discontinus.
  • Chaque « île » est une communauté avec ses propres références, valeurs et récits. Parfois fièrement, nous les appelons entre nous, des tribus.
  • Les algorithmes renforcent cette logique en nous montrant principalement ce qui correspond à notre « île », créant des « bulles de filtre » et des « cercles de convaincus ». On nomme souvent ce concentré de réalités communes, la chambre d’écho.
  • Cela rend la circulation des contenus extrêmement complexe et les « bulles de filtre» deviennent de véritables frontières, empêchant la compréhension mutuelle et la pensée globale. Les conflits en ligne ressemblent alors à des chocs entre archipels. En d’autres mots : les algorithmes de l’ignorance divisent les humains en les laissant croire qu’ils sont unis.

Une première solution : la Méta-cognition

Face à ces défis, une stratégie défensive cruciale : développer la méta-cognition.

  • La méta-cognition, c’est la capacité de « penser à ses propres pensées ».
  • C’est prendre du recul pour se demander : « Pourquoi est-ce que je pense ça ? », « Comment est-ce que je me sens par rapport à cette information ? », ou « Est-ce que cette idée vient de moi, ou est-elle influencée par quelque chose d’extérieur ? ».
  • Cette compétence est essentielle pour développer un esprit critique avancé, identifier les menaces de manipulation et résister au « brouillard d’ambiguïté » qui nous entoure. Comme le souligne Axel Ducourneau, entraîneur en ingénierie sociale, elle nous aide à nous prémunir des campagnes qui cherchent à diviser la société.

Développer son esprit critique et son détecteur de « Bull Shit »

Je ne pourrais être plus directe: il faut faire un peu d’effort pour arrêter de partager des fausses nouvelles ou de fausses vidéos ou images IA en contribuant à cette poubelle de « fake news » et de conneries qui embrument les esprits. Je sais cela demande un peu de travail. En début d’année, j’ai écrit un article sur les outils pour assurer des vérifications et la manière de le faire adéquatement.

Je pense que les parents ou les adultes dans les médias sociaux ont le devoir d’être d’être des guides pour leurs enfants ou leurs réseaux. Je propose de se poser la question avant un partage à la manière des 4 accords Toltèques :

J’oserais ajouter qu’avant de cliquer, commenter et partager, assurez-vous que vous n’êtes pas dans un piège à clics « click bait ». Il faut valider 7 fois une publication avant de la partager… si cela peut aider! Lorsque je vois des gens de mon réseau (que je considère intelligents) partager des vidéos truquées de l’IA et ne pas avoir noté l’improbabilité de certaines vidéos virales, je suis découragée. Exemple : des lapins qui sautent sur une trampoline ou pire, des kangourous qui sautent en choeur sur la même trampoline captés supposément par une caméra durant la nuit.

Bien que l’IA réussise à berner bien des gens, il faut avoir le réflexe de se dire : si c’est trop beau ou improbable, le voyant rouge doit s’allumer. Et dites-le à vos amis quand ils partagent des « fakes news ». On doit s’éduquer collectivement pour réduire notre naïveté collective. Les algorithmes sont excellents pour nourrir les personnes naïves et contribuer à la stupidité collective.

En comprenant la stupidité collective et en développant la méta-cognition, nous commençons à construire un bouclier contre la manipulation. Je lisais une lettre d’opinion de Pascal St-Denis dans la Presse du 29 août 2025 qui appelait à enseigner la culture du discernement :

Il est temps de promouvoir une culture du discernement : dans les écoles, dans les médias, sur les plateformes elles-mêmes. Cela implique de valoriser les contenus nuancés, de créer des repères clairs pour évaluer l’information, et d’encourager les citoyens à devenir des penseurs actifs plutôt que des consommateurs passifs.

La culture du discernement est une autre façon de mettre en priorité la méta-cognition, c’est une façon différente de présenter l’urgence de la réflexion collective.

Nous sommes face à des polycrises qui frappent partout sur la planète. Ce n’est pas le moment de baisser les bras, mais bien le moment de sortir de ce vortex contrôlé par une poignée d’oligarques. Mais comment aller plus loin et créer des solutions collectives pour naviguer cette hypercomplexité ?

C’est ce que nous verrons dans le prochain article de ce dossier.

Article 2 / 3 — L’Institut d’Écohérence, une boussole pour la conscience collective

Principes, méthode et raisons d’espérer : comment recâbler notre attention vers l’utile.

Article 3 / 3 — L’Institut d’Écohérence, le bouclier contre la stupidité collective

Pratiques, gestes concrets, garde-fous et indicateurs : passer du constat à l’action.

Sylvie Bédard - Mind Drop