Et si Mafalda revenait commenter notre monde ?

J’avais le goût de partager ma réflexion dominicale après une autre semaine hautement chargée en nouvelles contradictoires. Au lendemain de la marche « No Kings » et pendant que le vent emporte les feuilles, je vais donc vous parler de Mafalda. Héroïne engagée depuis ma naissance (nous avons le même âge), elle a accompagné la construction de mon esprit critique.

Son regard sur le monde, plein d’ironie et de lucidité, résonne encore aujourd’hui avec une pertinence désarmante.

Nous avons grandi ensemble. Et franchement, elle n’est pas étrangère à ma façon de questionner le monde. C’est un peu comme un hommage à sa mémoire et son influence sur ma façon de voir le monde. J’ai son album anniversaire de 50 ans, un recueil de perles pour sourire, parfois jaune.

Bien sûr, Mafalda dorénavant orpheline est née de la plume de Quino — disparu le 30 septembre 2020, irremplaçable. Mais ses réflexions, vieilles de 60 ans, n’ont pas pris une ride. Et c’est bien ça, le drame : plus ça change, plus c’est pareil. Parfois, même pire.

Si elle était encore parmi nous, nul doute que Mafalda serait au premier rang de la résistance contre le non-sens. Et qu’elle serait horrifiée par ce qu’elle verrait aujourd’hui, particulièrement en Argentine. Elle aurait des critiques sur l’IA, les climatosceptiques, les reculs démocratiques et j’en passe. Elle serait sûrement traitée de « Woke » comme si c’était l’insulte suprême de vouloir un monde plus équitable et que le capitalisme sauvage était la réponse aux maux de la Terre.

L’esprit anti-autoritaire de Mafalda

Mafalda, c’était une petite fille qui n’aimait pas la soupe — symbole d’une société fade, conformiste et soumise.

Mais au fond, c’est l’autoritarisme qu’elle refusait d’avaler.

Elle incarnait la voix de celles et ceux qui pensent par eux-mêmes. Féministe avant l’heure, écologiste, pacifiste, anti-raciste, antimilitariste — elle a tout vu, tout compris, tout dénoncé.

Enfant, je riais de ses colères. Adulte, j’ai compris leur profondeur.
Ses combats tenaient en peu de mots : égalité, dignité et liberté.

Et surtout, cette conviction que toute forme de pouvoir qui cherche à contrôler, diviser ou appauvrir les autres ne peut mener qu’à la révolte.

Je l’imagine aujourd’hui, furieuse, les bras croisés, face à ceux qui brandissent la “liberté” tout en la piétinant.

L’horreur de Mafalda face à la situation actuelle

En Argentine, le président Javier Milei brandit sa tronçonneuse comme un trophée pour symboliser la destruction des services publics.

Une image à la fois grotesque et terrifiante — et qui, hélas, a même inspiré Elon Musk. De véritables « Freddy Kruger » de l’autoritarisme.

Mafalda verrait dans ces coupes brutales et cette fascination pour la “force” le même danger qu’elle dénonçait déjà dans les années 70.

Et elle trouverait obscène le plaisir de démolir les institutions démocratiques et de se moquer des droits humains.

Quand Milei reçoit le soutien d’un Donald Trump en “shutdown” économique, c’est tout un symbole : deux présidents qui coupent, divisent, simplifient, hurlent.

Des “hommes forts” qui prétendent sauver le peuple tout en l’appauvrissant.

“Ce n’est pas parce qu’on crie fort qu’on dit quelque chose de vrai.”
Mafalda (si elle avait X-Twitter)

Le spectre de l’ingérence et du cynisme

Trump soutenant Milei avec leurs sourires “Pepsodent” et les pouces en l’air tels des conquérants, c’est presque une planche de Quino en soi.

Mafalda aurait vu là le même cynisme que celui qu’elle reprochait aux “adultes” : des hommes d’affaires déguisés en sauveurs, troquant les valeurs contre des dollars.

Les États-Unis, qui jadis censuraient Mafalda par peur de son discours trop libre, s’imposent aujourd’hui en gardiens du peso argentin.

Ironie parfaite : un pays qui coupe l’aide sociale à ses plus pauvres pour soutenir un autre qui détruit les siennes.

“Quand les riches font la guerre, ce sont les pauvres qui payent la paix.”
Mafalda

La montée de la droite et la peur de l’autre

Ce que Mafalda détestait par-dessus tout, c’était la domination, le racisme et le mépris déguisé en ordre moral.

Elle aurait vu dans cette “droite décomplexée” une régression dangereuse — une manière de remettre la main sur les libertés conquises. Son amie « Liberté », qui habilement a été dessinée pour être la plus petite de son clan, la très déjà petite « Liberté » aurait sans doute été réduite davantage.

Comme moi, elle aurait reconnu le parfum rance du machisme et de la peur : celui qui prétend “protéger la civilisation” tout en niant l’humanité des autres. Le parfum de ceux qui contribuent au saccage éhonté des ressources planétaires sans penser aux générations futures et sans payer le prix de leur destruction. Même au Québec, nous avons un Ministre de l’environnement qui veut qu’on lui le laisse tranquille avec les GES!

Lorsque le président de la supposée plus grande nation au monde dit que Greta Thunberg est une terroriste et que ses citoyens qui ne pensent pas comme lui sont des terroristes Antifa, on sait que nous sommes dans une soupe de merde!

“On appelle ça progrès quand ça recule plus lentement que le reste.”
Mafalda

Mafalda et la jeunesse d’aujourd’hui

Je me demande si, quelque part, une autre Mafalda écoute les nouvelles à la radio et se dit que le monde a mal tourné.

La radio est maintenant remplacée par les médias sociaux, mais aujourd’hui, elle est là — elle est en Argentine, mais aussi partout dans le monde.

Ces jeunes qui s’organisent via TikTok, Discord, Instagram, comptent bien ne plus laisser les “adultes” dicter l’avenir à leur place. Alors oui, d’autres écoutent les nouvelles!

La Génération Z se lève

Un manifestant brandi un drapeau inspiré du manga One Piece à Denpasar en Indonésie le 30 août 2025 © Photo par SONNY TUMBELAKA / AFP

En 2025, du Maroc au Népal, des milliers de jeunes âgés de 15 à 30 ans sont descendus dans la rue pour réclamer de vraies réformes sociales.

À Marrakech, le mouvement Gen Z 212 a dénoncé l’investissement dans les stades de la Coupe du Monde pendant que les hôpitaux s’effondrent.

À Katmandou, des étudiants ont chassé le Premier ministre après la censure de 26 réseaux sociaux.

Ces mobilisations connectées rappellent l’esprit de Mafalda : désobéissante, drôle, mais intraitable devant l’injustice. Ici, je ne cautionne pas les violences, mais lorsque la jeunesse se lève, il y a soit la révolution tranquille, soit la révolution bruyante.

Sources : Le Monde Afrique, Le Monde International

Une génération militante

Selon une étude United Way NCA (2025), plus de 53 % des jeunes de la génération Z ont déjà participé à un rassemblement ou une manifestation politique.

Ils militent pour le climat, la justice économique et les droits humains, posant la même question que Mafalda : “Pourquoi c’est toujours les mêmes qui décident ?”

Source : United Way NCA – Gen Z Activism Survey

Héritiers de Mafalda

“Les adultes parlent du futur comme s’ils y allaient aussi.”
Mafalda

Soixante ans après sa création, Mafalda inspire encore les jeunes qui refusent l’injustice.

Dans leurs pancartes et leurs hashtags, on retrouve son humour : tendre, lucide, implacable. Mais surtout résignée à lutter contre les inéquités sociales et à brandir sa liberté d’expression par tous les moyens.

ELLE ME MANQUE, ET TOI?

Je pense souvent à elle.

À son regard d’enfant sur le monde des adultes — ce monde qu’elle trouvait déjà absurde et que nous avons, hélas, rendu encore plus compliqué.

Elle aurait sans doute tweeté, ironisé, dessiné.

Mais surtout, elle aurait résisté.

Mafalda, ma chère complice, tu me manques.

Et plus que jamais, on aurait besoin de ton insolence et de ta clarté.

Un rappel que ce sont les créateurs avec leur art qui ont toujours été un contrepoids dans nos sociétés. Chanteurs, poètes, bédéistes, peintres, sculpteurs, cinéastes, animateur de talk shows, humoristes, etc. Ce sont les remparts contre ceux qui ne veulent plus que nous réfléchissions, mais que nous fléchissions!

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Sylvie Bédard - Mind Drop

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